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mieux, ayant foi dans la tradition et s’efforçant de la mettre d’accord avec les exigences des sociétés modernes par des expédiens ; les plus habiles qu’on pourra imaginer, élargir en Suède les limites de chacun des quatre ordres, appeler dans le sein de la noblesse certaines professions, élevées qui confèrent une noblesse en effet à ceux qui les remplissent, adjoindre au clergé l’enseignement laïque, à la bourgeoisie la grande industrie et les sciences pratiques, aux paysans enfin les petits cultivateurs ?

Combien de tels expédiens sont factices, il est inutile de le faire remarquer. Dans quelle division rangera-t-on l’armée, dans quelle autre les médecins, les artistes, les magistrats ? Nul problème ne saurait être plus complexe. Aussi le premier mode de réforme et le plus radical a-t-il paru d’abord aux Suédois le plus logique, le plus facilement praticable. Un projet proposant l’établissement de deux chambres avait été présenté par la diète de 1841 et rejeté pendant la session de 1844 par la noblesse et le clergé. Depuis, une commission instituée par le roi Oscar à la demande des états avait élaboré un autre projet sur la même base ; mais le roi, qui paraissait alors vouloir rester neutre et attendre du temps une transaction entre les intérêts rivaux des castes, ayant composé cette commission d’hommes de tous les partis, le résultat de ses délibérations fut tout à fait négatif. C’est alors que le parti réformiste commença d’organiser par des banquets, des comités provinciaux, des écrits politiques, une véritable agitation que vint encourager le mouvement de février. La première impulsion fut favorable aux agitateurs. Au commencement de mai 1848, le roi fit présenter lui-même à la diète un projet qui constituait aussi deux chambres avec un cens électoral à deux degrés. Ce projet fut rejeté en 1850 par la noblesse, le clergé et les paysans. Cette même diète de 1850-51 vit paraître trois nouveaux projets, dont l’un, celui de M. de Lagerbielke, reçut dès lors une première adoption. Cherchant à concilier les deux principes, il admettait deux chambres élues dans les quatre ordres qu’il laissait subsister. Cependant la diète suivante refusa ce projet en février 1854, et ce fut le dernier essai dans la voie où l’on avait tenté de s’avancer. Plusieurs causes refroidissaient d’ailleurs le zèle réformiste. Le gouvernement, après avoir cédé en quelque mesure à l’entraînement de 1848, n’avait pas obéi moins volontiers peut-être au mouvement de réaction qui avait suivi ; les ordres privilégiés, et même celui des paysans, qui règle souvent sa conduite sur celle de la noblesse, paraissaient décidés à ne rien vouloir céder de leurs anciens avantages ; l’opinion publique enfin, au début de la guerre d’Orient, était trop préoccupée des nouvelles destinées qui pouvaient s’ouvrir devant la Suède pour ne pas se détourner quelque temps des questions intérieures.