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leur triomphe final que de la force propre qu’ils auraient acquise en consolidant leurs premiers succès. Notre vœu était que dans cette entreprise où la France s’unissait d’une si étroite solidarité à l’Italie patriote et libérale, la France dirigeât le mouvement et ne fût exposée en aucun cas à être entraînée. Nous croyons, et nous l’avons dit franchement à l’occasion, que la France n’a pas toujours fait ce qu’il fallait pour conserver la direction du mouvement italien. Plusieurs causes ont précipité ce mouvement, et parmi ces causes il faut sans doute compter en première ligne l’obstination aveugle des gouvernemens qui, en refusant les réformes, ont provoqué follement la révolution qui menace de les dévorer. Quoi qu’il en soit, du jour où la France, en compensation du consentement qu’elle accordait à l’annexion des duchés au Piémont, a réclamé et obtenu pour elle-même l’annexion de la Savoie et de Nice, les unitaires italiens n’ont plus senti de frein, et ont considéré l’unité de l’Italie comme certaine : avec cette logique subtile et légèrement railleuse dont ils ont fait preuve depuis un an, ils se sont crus assurés de la tolérance, sinon du concours de la France, la France, se sont-ils dit, bon gré, mal gré, laissera le Piémont aller jusqu’au bout ; pourvu que l’Italie s’abstienne de ces excès révolutionnaires qui révoltent la conscience universelle, la tolérance dont nous couvrira la France ne s’arrêtera qu’aux portes de Rome. Forts de cette argumentation, qui, à leurs yeux du moins, doit paraître plausible, ils se sont élancés à leur but afin de profiter de l’ébranlement donné par les événemens récens à l’esprit public en Italie, et du désarroi où ces mêmes événemens avaient mis l’Europe, en se promettant de garder vis-à-vis de nous toutes les apparences et de nous compromettre le moins possible. Les premiers résultats de cette politique audacieuse sont aujourd’hui visibles dans l’insurrection de Sicile, et nous en avons la crise sous les yeux à Naples.

C’est bien une crise pour la question italienne que ce régime que le roi de Naples essaie d’inaugurer en arborant le drapeau national et en octroyant une constitution. Les concessions du roi de Naples ont été tardives, mais elles ont été plus larges qu’on ne l’avait dit d’abord : ce n’est pas la constitution française, c’est le statut piémontais que le roi de Naples prend pour modèle, et quant à la Sicile, le roi serait, dit-on, disposé à y établir en faveur d’un prince de sa famille une royauté indépendante. Nous disons que cette concession du roi de Naples est une crise pour la question italienne. À nos yeux en effet, l’inauguration du régime libéral à Naples devrait être l’occasion d’une halte salutaire dans la marche déjà trop rapide de la révolution italienne. Nous allons voir si le Piémont est resté assez maître de la direction du mouvement, si la révolution italienne a conservé assez d’empire sur elle-même, si la France possède assez d’influence sur le Piémont et sur l’Italie pour que le mouvement se puisse arrêter à la station qu’offre la constitution accordée par le roi de Naples. Nous le répétons, nous n’espérons guère qu’il en soit ainsi. Déjà nous voyons dans le parlement piémontais les