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réfugiés napolitains demander que les offres d’alliance du roi de Naples soient repoussées ; déjà nous entendons dire par les unitaires que, si le roi de Naples donne réellement une constitution, la dynastie sera avant deux mois déposée par le parlement. Nous formons donc, nous ne nous le dissimulons point, un vœu presque chimérique en exprimant le désir que le nouveau régime napolitain soit loyalement accepté et essayé par l’Italie. Ce vœu mériterait pourtant d’être pris en considération par les esprits sages et les politiques avisés de la péninsule. C’est un devoir du libéralisme d’accepter sincèrement les concessions des souverains, même quand elles ne sont qu’une capitulation consentie à la dernière heure. Le Piémont doit prendre garde d’offenser par l’impatience de ses ambitions la conscience de l’Europe. L’Italie doit réfléchir qu’il lui importe de coordonner ses ressources et d’organiser sérieusement ses forces avant d’affronter par une unité trop hâtive les périls attachés au rôle convoité par elle d’une grande puissance européenne : elle doit craindre au contraire de compromettre une expérience trop récente et trop fragile en l’exposant aux incertitudes d’un conflit général. La France enfin a presque le même intérêt que l’Italie au succès de la régénération de la péninsule, et la sûreté de son jugement n’est point obscurcie dans l’appréciation de cet intérêt par la fumée des passions populaires. La France encourt des responsabilités par les actes de l’Italie ; ces actes peuvent la placer dans l’alternative, ou d’assister avec confusion à l’avortement de l’œuvre qu’elle a voulu féconder au-delà des Alpes, ou de s’imposer de nouveaux sacrifices et de s’exposer à de nouveaux dangers. La France, tout en observant et en faisant observer le principe de non-intervention, a donc le droit de se faire écouter en Italie : elle n’a pas dû accorder au roi de Naples la garantie de ses territoires, puisqu’une telle garantie eût pu l’obliger à se départir du principe de non-intervention ; mais au moment où Naples se rend enfin à ses conseils, il est de son honneur de lui donner son appui moral ; il est de son honneur que cet appui moral soit plus profitable au roi de Naples, entrant sur le terrain du libéralisme, qu’il ne l’a été l’année dernière aux archiducs autrichiens, qui avaient, il est vrai, traité la France à la façon de la Providence, et qui, aidés par elle, n’avaient pas su s’aider eux-mêmes de quelque courageuse initiative et de quelque intelligente inspiration.

Nous ne doutons point que l’Italie ne soit pour le moment laissée à elle-même, mais nous ne doutons pas non plus que tous les événemens qui s’accompliront en Italie n’aient une influence marquée sur les dispositions et les relations mutuelles des grandes puissances. Tant que le mouvement révolutionnaire durera dans la péninsule, il y aura dans les affaires de l’Europe un principe flagrant d’instabilité dont toutes les situations se sentiront menacées. De graves incidens devenant possibles a tout moment, chacun sera obligé de se tenir sur ses gardes. De là ces efforts, de la part de quelques grandes puissances, pour oublier devant un péril commun d’anciennes