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diplomatique le plus libéral du siècle, qui est devenu la charte d’indépendance et de neutralité de l’isthme américain.

On s’est beaucoup occupé dans les derniers temps de cette importante convention, à propos même de la concession du canal dont elle devait être la sauvegarde et la garantie supérieure. Elle se proposait pour but d’écarter de l’Amérique centrale toute domination étrangère et exclusive, d’en faire un territoire neutre dont tous les passages futurs, chemins de fer ou canaux, seraient neutralisés de fait et placés sous la protection active des puissances contractantes. En proclamant pour la première fois ce grand principe de la neutralité des passages, qui a été appliqué depuis à l’isthme de Suez et qui deviendra la loi de toutes les routes commerciales, l’Angleterre et les États-Unis avaient surtout en vue le bosphore américain, dont la construction semblait imminente. Une compagnie de New-York, représentée par MM. White et Vanderbilt, avait obtenu, l’année précédente, du gouvernement de Nicaragua le privilège de cette entreprise, et l’on n’attendait que les devis de l’ingénieur en chef, le colonel Childs, pour aller demander à Londres les capitaux nécessaires. Chaque nation rivale sentait dès lois le besoin de garantir les intérêts de son commerce et la sécurité de son pavillon contre les vues ambitieuses de l’autre. L’Angleterre, qui voyait poindre le génie remuant et envahisseur de la démocratie du sud, lui imposait du moins une barrière là où elle pouvait la craindre, et les Américains espéraient bien que, par suite de la reconnaissance de l’indépendance centro-américaine, Grey-Town serait évacué, le protectorat mosquite lui-même abandonné, et l’usurpation du 1er janvier 1848, sinon réparée, du moins effacée dans ses résultats.

Malheureusement les difficultés recommencèrent à l’interprétation du traité Clayton-Bulwer. L’Angleterre ne voulait à aucun prix renoncer à la bande mosquite, et si elle se montrait plus accommodante à l’égard du port de Grey-Town, elle ne se pressait pas cependant de le rendre à son légitime souverain. Il en résulta entre les deux chancelleries un échange de notes souvent très vives, et dans les masses américaines une irritation passionnée qui fut pour beaucoup dans le renvoi de M. Crampton en 1856. Pendant ces débats, MM. White et Vanderbilt, repoussés à Londres, où l’opinion ne leur était pas favorable, trouvaient plus facile et plus sûr d’ouvrir un transit d’une mer à l’autre, avec de petits vapeurs sur le fleuve et sur le lac, un service de mulets et de charrettes sur la partie terrestre de l’isthme, que de courir les risques d’une entreprise évaluée à 150 millions. Le canal fut donc abandonné après les études du colonel Childs, et le transit en question organisé en vertu d’un contrat annexe au contrat de canalisation. C’était alors une idée heureuse et