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l’insecte sans atteindre au-dessous de l’écorce du cep les organes essentiels de la vitalité de la plante[1].

Je suis loin de prétendre qu’avec le secours de la science on puisse jamais arriver à détruire entièrement une seule des innombrables espèces végétales ou animales localement nuisibles de ces êtres si petits, doués d’une organisation d’autant plus résistante et de facultés de conservation ou de propagation d’autant plus grandes qu’ils sont plus exposés à l’action directe de tous les agens extérieurs, et qu’ils accomplissent un rôle utile en réalité pour limiter le développement parfois exagéré des autres êtres vivans. La présence d’ailleurs et l’action incessante de ces êtres destructeurs partout où les substances organisées vivent, meurent, fermentent et se transforment, sont indispensables au balancement des forces et à l’entretien des harmonies de la nature. Contre des êtres animés si petits, si nombreux, si actifs, l’homme ne peut agir lui-même que très imparfaitement[2] ; mais enfin les résultats obtenus permettent de compter sur de nouveaux progrès. Avec notre siècle a commencé, pour la culture de la vigne comme pour tant d’autres branches de l’activité industrielle, une période de prospérité croissante où la science s’est donné pour rôle de seconder le travail de l’homme.

Parmi les services spécialement dus à la science, il faut placer les recherches qui ont pour objet la classification des cépages les mieux appropriés à la vinification dans nos principaux crus, et qui doivent être maintenus et propagés à l’aide des boutures et du provignage. Dans chacun de nos principaux centres viticoles, les cépages plus ou moins nombreux peuvent être groupés en deux grandes classes. La première comprend les vignes dont les sarmens déliés, les feuilles étroites, les grappes petites, demandent une culture assidue sur des coteaux bien exposés au soleil, et qui sont destinées à produire en quantités restreintes les vins les plus délicats. Dans la seconde classe se rangent les variétés dont la végétation luxuriante se déploie dans les plaines et présente de fortes tiges, de larges feuilles et des grappes volumineuses. Ces variétés produisent une quantité considérable de vin, dont la valeur totale dépasse souvent, à égale superficie,

  1. C’est encore ainsi, comme nous l’avons dit ailleurs, qu’on est parvenu à limiter les immenses ravages de l’oïdium. Voyez la Revue du 1er septembre 1856.
  2. Il en est autrement des animaux plus grands, soit qu’ils disparaissent spontanément de la surface de notre planète, où ne se rencontrent plus les conditions primitives de leur existence, soit que, toujours en butte aux attaques de l’homme, ils soient forcés de lui céder peu à peu le terrain. C’est ainsi que le nombre des animaux féroces diminue toujours à mesure que s’accroît la population humaine, que dans des espaces circonscrits par les mers ils ont même entièrement disparu, comme les loups de la Grande-Bretagne.