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la valeur des récoltes obtenues des fins cépages, qui seuls peuvent donner les grands vins de France[1].

Dans la première classe et au premier rang des meilleurs cépages propres à nos grands vignobles de la région centrale, on doit placer sans hésitation la tribu des pineaux[2]. Ce nom provient, dit-on, de la forme conique des grappes, qui ressemblent ainsi à des pommes de pin. Les quatre variétés principales de cette tribu produisent non-seulement les vins les plus estimés de la Bourgogne, de la Champagne et des localités environnantes, mais encore les bons vins de la Hongrie et de plusieurs contrées de l’Allemagne. On les rencontre sous différentes dénominations dans les départemens d’Indre-et-Loire, du Loiret, de Saône-et-Loire, dans la Franconie et même le banat de Temeswar.

Le pineau noir, type fertile de cette tribu, donne de petites grappes irrégulières qui mûrissent en septembre, et dont les grains, d’un violet noir velouté, sont serrés, arrondis, juteux et très sucrés. C’est le raisin qui constitue la base principale des riches cuvées de Chambertin, du Clos-Vougeot, de Coulange, de Volnay et de plusieurs autres crus renommés[3]. Ni l’abbé Rozier, ni Chaptal, pas plus que leur devancier le botaniste marseillais Ridel, n’ont décrit le pineau noir, du moins avec les caractères distinctifs qui lui appartiennent dans les vignobles les plus renommés de la Bourgogne.

Sous le nom de pineau gris, un cépage non moins estimé que le

  1. On pourrait encore classer les nombreuses variétés de la vigne cultivée en plein air suivant l’époque moyenne de l’année où les fruits arrivent à maturité complète. Cette classification relative à nos différentes contrées viticoles aurait même une grande utilité pour l’assortiment des cépages qui doivent concourir à former le bouquet des vins estimés ; elle permettrait de faciliter, en les régularisant, les opérations de la vendange et de la vinification. M. le comte Odart a donné, dans son Ampélographie, le premier exemple d’un classement des cépages suivant six époques de dix en dix jours de la maturité de leurs fruits, relativement au climat de la Touraine. Les premières notions positives ainsi obtenues seront sans doute étendues aux climats de Paris, de Montpellier et de l’Algérie, grâce au nouvel établissement des collections de vignes dans ces localités. On y peut remarquer que les meilleures variétés de nos vignobles du centre, de l’est et de l’ouest mûrissent pendant les deuxième et troisième époques, tandis que les raisins plus tardifs des quatrième, cinquième et sixième époques ne conviennent guère qu’à nos contrées plus méridionales.
  2. Plusieurs ampélographes ont adopté une orthographe différente du même nom, qu’ils écrivent pinot.
  3. En différentes contrées, le pineau noir a reçu des synonymes qu’il ne faudrait pas confondre avec des variétés distinctes. On le désigne ordinairement sous les dénominations suivantes : noirien, dans la Côte-d’Or ; franc pineau, dans l’Yonne ; auvernat, dans le Haut-Rhin, le Loir-et-Cher et l’Orléanais ; c’est le plant noble d’Indre-et-Loire, le seau noir du Jura et de l’Ain, le schwartz kewner de l’Alsace, le noir de Franconie et le noir de versith de la collection de Bude, le czerna okrugla ranka de Hongrie et de Smyrne. On l’a parfois, et bien à tort, confondu avec le tokai.