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ce que la déclaration de neutralité, ainsi conçue, fût entièrement acceptée par la Russie ; pendant toute la première moitié de février 1854, des bruits sinistres alarmaient les Suédois : des voyageurs assuraient que le tsar était fort irrité, qu’il faisait scier la glace dans le golfe de Finlande, qu’il voulait s’emparer de Gottland dès que la Baltique serait navigable, et l’on était déjà résolu, s’il en était ainsi, à faire décidément cause commune avec la France et l’Angleterre.

Dès le commencement de la guerre, les cabinets alliés avaient fait parvenir au roi Oscar des paroles qui l’encourageaient à soutenir avec énergie ses droits, à conserver ses positions actuelles, à reprendre même celles que la Suède avait occupées autrefois. On lui promettait vaguement d’être avec lui. Dès avril 1854 et non pas dès mars 1855, comme on l’a cru longtemps, comme on le croit peut-être encore à Stockholm, le roi laissa entendre que sa neutralité pouvait ne pas être éternelle, qu’il serait en état, s’il le fallait, de mettre sur pied une armée de cent vingt à cent trente mille hommes, dont soixante ou soixante-dix mille pourraient aller combattre au dehors ; mais il lui fallait des subsides et des garanties : il fallait que les puissances alliées cessassent de déclarer qu’elles ne prétendaient porter aucune atteinte aux possessions de la Russie, car pour lui le prix de sa coopération devait être la Finlande reconquise. Il fallait que la question d’Orient devînt question européenne, et aux yeux d’Oscar un des signes les plus certains de ce changement eût été la détermination de l’Autriche non-seulement de coopérer avec l’Angleterre et la France pour rétablir l’intégrité de l’empire ottoman, mais aussi de les suivre ultérieurement dans leur grande entreprise pour garantir la sécurité de l’Europe entière contre les envahissemens et la prépondérance de la Russie. Dès juillet, une négociation officielle était entamée, un projet de convention rédigé, et un plan de campagne presque déjà préparé à l’avance. Si l’Autriche se fût déclarée alors pour les puissances occidentales, il est infiniment probable que celles-ci n’eussent pas refusé au roi Oscar les subsides et les garanties qu’il demandait, et la guerre changeait singulièrement d’aspect ; mais on se rappelle comment l’Autriche resta sourde et immobile. L’été de 1854 s’écoula. À la rigueur, on aurait pu encore commencer les opérations en Finlande au 15 août ou au 1er septembre, dates extrêmes ; mais il aurait fallu que cinquante mille Français fussent alors prêts à débarquer, et que l’alliance suédoise eût été proclamée quelque temps auparavant, afin de permettre au roi Oscar de mobiliser son armée. D’autre part, prendre des quartiers d’hiver dans un pays aussi découvert que la Finlande était impossible ; il fallait donc renoncer pour le moment à cette invasion. Les alliés pouvaient du moins signer pendant l’automne la convention ;