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auprès de son fils comme un conseiller dont les lumières pouvaient éclairer sa conduite. En effet, l’influence de Sériol ne contribua pas médiocrement à la pacification des premiers troubles des Pays-Bas. Son crédit se maintint tant qu’il vécut ; mais après sa mort l’inquisition lui fit son procès, et Philippe II n’y trouva point à redire.

Vives et Sériol appartiennent à la réforme, sinon par leur profession de foi, du moins par leurs idées libérales et hardies, leurs tendances avouées et leurs théories politiques. Ils ne séparent point l’ordre social de l’ordre religieux ; ils veulent un gouvernement animé de l’esprit véritablement chrétien, conforme à l’Évangile. L’un et l’autre ont recours à la logique et à l’exposition savante, à la méthode sévère d’argumentation qu’ils ont puisée, non pas dans l’arsenal de la scolastique, mais dans l’étude de l’antiquité, la méditation des saintes Écritures, et surtout dans leurs convictions intimes. Là est le secret de leur force. La critique des humanistes ne suffisait point cependant pour régénérer l’Espagne. Telle était du moins l’opinion des réformateurs religieux qui leur succédèrent, et dont les tentatives datent de la même époque que le grand mouvement qui éclata en Allemagne. De la période de satire et d’ironie, l’idée de réforme entra avec ces hommes hardis dans sa période militante.

Dès l’année 1521, Léon X s’effrayait du nombre considérable d’écrits luthériens qui circulaient en Espagne. Averti à temps, le saint-office redoubla de vigilance, et commença d’établir le cordon sanitaire qui devait préserver la Péninsule. La surveillance s’étendit sur la frontière des Pyrénées et sur les côtes des deux mers. Tout fut vain. Ce fut l’entourage même de Charles-Quint qui s’imprégna d’abord des doctrines réformées. Les Espagnols qui étaient dans la suite de l’empereur entendirent Luther à la diète de Worms : ils frayèrent avec les principaux réformateurs. Mélancthon surtout savait les séduire par les charmes de son esprit, par l’aménité de ses manières. Il eut bientôt gagné des disciples, au premier rang desquels figurent deux hommes également remarquables par leurs talens et leur position : Alfonso Valdès et Viruès. Le premier était secrétaire du chancelier de l’empereur ; le second, savant bénédictin, remplissait auprès de ce dernier les fonctions de confesseur et de prédicateur ordinaire. Ils eurent plus tard des comptes à rendre à l’inquisition. Alfonso Valdès se préserva par la fuite ; Viruès fut condamné à faire une abjuration solennelle, suivie d’un emprisonnement de plusieurs années. La protection impériale ne put le soustraire à cette humiliation.

Ainsi les premiers symptômes de ce mal contagieux, qui devait un jour éclater en Espagne, se manifestaient dans l’entourage même de l’empereur, chez les hommes qui avaient mission de diriger sa