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dont il existe de nombreuses relations, n’était cependant que le prélude d’une fête plus solennelle.

Philippe II, averti des dissensions qui menaçaient l’unité religieuse de l’Espagne, se hâta de quitter les Pays-Bas. Débarqué au milieu d’un naufrage, il se rendit immédiatement à Valladolid, y entra sans cérémonie, et assista dès le lendemain 8 octobre 1559 à un acte de foi, préparé pour lui faire fête. Les accusés étaient au nombre de quarante, parmi lesquels beaucoup de femmes. Le sermon de la foi fut prêché par don Juan Manuel, évêque de Zamora, du sang royal de Castille. Dans le premier acte de foi, l’on avait remarqué l’audace de l’inquisiteur Francisco Vaca, qui avait exigé de la régente et du prince des Asturies le serment de protéger, de défendre l’inquisition. Au commencement de la cérémonie, l’inquisiteur général, archevêque de Séville, cria au roi : Domine, adjuva nos. Aussitôt Philippe se leva, tira son épée, et le grand-inquisiteur lut une formule de serment par laquelle le monarque assurait « toute la faveur nécessaire au saint-office de l’inquisition et à ses ministres contre les hérétiques et les apostats, contre ceux qui pourraient les protéger et les défendre, contre toute personne qui, directement ou indirectement, empêcherait l’exécution des décrets du saint-office. » Le roi dit : « Je le jure. » On sait qu’il tint son serment.

Parmi les accusés figurait au premier rang don Carlos de Sesse, noble véronais, d’autres disent florentin, distingué par Charles-Quint à cause de ses talens, et allié par sa femme aux plus nobles maisons d’Espagne. Ni tortures, ni menaces n’avaient pu ébranler ses convictions. La veille de sa mort, il avait rédigé une profession de foi digne d’un martyr. Llorente, qui l’a lue, affirme qu’il est impossible de rien voir de plus énergique. Don Carlos de Sesse fut condamné à être brûlé vif ; en allant au bûcher, il passa devant le roi, et s’arrêtant : « Comment osez-vous me faire brûler ? » Et le roi : « Si mon fils était aussi mauvais que vous, je porterais moi-même le bois au bûcher. » Et il lui fit mettre un bâillon. Arrivé sur le lieu du supplice, quand le bâillon lui fut ôté, le condamné eut encore la force de dire : « Mettez vite le feu ; si j’en avais le temps, je vous démontrerais que vous courez à votre perte, à moins de faire comme moi. »

L’historien Cabrera rapporte que non-seulement Philippe II assista lui-même au supplice, mais que les gardes-du-corps prêtèrent leur aide aux exécuteurs du saint-office. Douze personnes furent livrées aux flammes ; les autres eurent la vie sauve moyennant la perte de leurs biens et quelques pénitences plus ou moins rigoureuses. Ainsi furent assurées les choses de la religion, suivant l’expression de Herrera. Après l’acte de foi d’octobre 1559, Philippe quitta Valladolid pour aller présider les cortès à Tolède ; mais il célébra