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lémens de la musique du maître d’école de son village, qui prédit à son jeune élève un bel avenir. À l’âge de sept ans, il fut admis comme enfant de chœur dans le couvent de Neubourg, près de Vienne. Son père, qui exerçait la profession de cabaretier, habitait une terre appartenant à cette riche abbaye. Wild raconte que le maître de chant qui était chargé de les instruire et de leur apprendre à ménager leur respiration leur faisait traverser en courant trois ou quatre fois la salle où ils se réunissaient. Cette singulière leçon de chant ne dut pas contribuer beaucoup à former le futur et célèbre virtuose. En 1804, Wild, ayant atteint l’âge de douze ans, concourut pour une place d’enfant de chœur à la chapelle impériale de Vienne, qui était dirigée par Salieri et Eibler. Dans cette nouvelle position, Wild eut l’occasion d’entendre les meilleurs chanteurs italiens et allemands qu’il y eût alors à Vienne, tels que Crescentini, les deux Sessi, Vogl et Weinmüller, une des plus belles voix de basse qui aient existé, et qui était surtout remarquable dans le rôle de Zarastro de la Flûte enchantée. L’exemple de ces virtuoses, l’excellente musique qu’ils étaient chargés d’exécuter, eurent une si bonne influence sur le goût croissant de l’enfant de chœur, qu’on le jugea digne de chanter un solo devant l’empereur Napoléon. Cette épreuve si importante pour Wild eut lieu en 1805, dans la chapelle de Schœnbrunn. Quelques actes d’insubordination, trop sévèrement punis par ses maîtres, contraignirent Wild à quitter la chapelle impériale et à retourner dans son village. Pendant ce temps, la mue s’étant opérée, Wild revint à Vienne et s’engagea comme choriste d’abord au théâtre de Josephstadt, puis à celui de Léopold. Un jour, le premier ténor s’étant trouvé subitement enrhumé, Wild fut prié de chanter à sa place un chant national qui devait figurer sur le programme d’une représentation extraordinaire. La tentative eut un plein succès, et Wild fut vivement applaudi. Hummel, qui dirigeait alors la musique du prince Esterhazy, engagea le jeune ténor pour chanter les solos à la chapelle de la petite cour d’Eisenstadt. Enfin en 1810 Wild, qui était âgé de dix-huit ans, fit ses premiers débuts au théâtre An der Wien par le rôle de Ramiro dans l’opéra Cendrillon, de Nicolo. Favorablement accueilli par le public, Wild aborda successivement les principaux rôles de son répertoire, et se fit particulièrement remarquer dans celui de don Juan, qu’il chantait avec beaucoup de vigueur, surtout l’air fin che dal vino, que le public lui faisait toujours répéter. C’est pendant la période brillante de 1815 à 1816, où le congrès attirait à Vienne les plus grands artistes de l’Europe, que Wild fit la connaissance de Beethoven, et voici à quelle occasion.

L’empereur d’Autriche François II avait ordonné qu’on organisât un grand concert pour distraire les hôtes illustres qui étaient réunis dans sa capitale. L’empereur avait désigné lui-même les morceaux, qu’on devait y exécuter. Wild avait choisi un air de la Jérusalem délivrée, opéra de l’abbé Stadler, qu’après la répétition générale l’empereur n’avait pas trouvé de son goût. Wild proposa alors à l’empereur de chanter l’admirable mélodie de Beethoven connue sous le nom d’Adélaïde. Ce choix ayant obtenu l’approbation du souverain, Wild chanta avec un très grand succès le chef-d’œuvre que nous venons de nommer. Beethoven fut très sensible à la préférence que le virtuose avait donnée à sa belle inspiration ; il désira faire la connaissance de Wild, l’entendit