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et le tourbillon agrandi, après avoir traversé l’océan, vient épuiser sa fureur sur l’extrémité occidentale de l’Europe. Quelquefois cependant les tempêtes vont des Antilles se jeter droit au fond du golfe du Mexique, remontent l’immense vallée du Mississipi et viennent balayer le Canada et les états de la Nouvelle-Angleterre. La grande tempête de 1830 toucha l’île Saint-Thomas le 12 août, les Bahamas le 14, le 15 et le 16 elle franchit la Géorgie et les Carolines, le 17 la Virginie, le Maryland, New-Jersey et New-York, le 19 elle atteignit Terre-Neuve ; elle mit ainsi sept jours entiers à parcourir l’orbe atlantique. Quand un navire se trouve entraîné dans le tourbillon, il arrive quelquefois qu’il accomplit circulairement un très grand parcours sans beaucoup avancer. Les typhons des mers de la Chine sont remarquables par la lenteur du mouvement de translation. Piddington, qui décrivit il y a déjà longtemps les tempêtes de ces parages, raconte que le brick Charles Heedle appareilla de Maurice en février 1835 ; rencontrant un typhon et emporté avec lui, le brick dessina cinq grandes circonférences et parcourut ainsi treize cents milles pour se retrouver, la tempête terminée, à trois cent cinquante-quatre milles seulement du port.

En analysant soigneusement les pressions barométriques sur tous les points du globe où on les a observées, M. Dove s’est trouvé amené à penser qu’il existe, outre les courans réguliers, l’un polaire, l’autre équatorial, un courant élevé qui déverse sur le continent américain et dans la direction de l’ouest à l’est l’air échauffé sur les immenses plateaux de l’Asie et de l’Afrique ; ce courant supérieur rencontre le vent de sud-ouest, qui est le contre-courant ordinaire des vents, alizés, et le force à redescendre. Un tourbillon prend ainsi naissance et se dirige du sud-est au nord-ouest, en avançant au milieu des vents alizés ; arrivé dans la zone tempérée, le tourbillon s’élargit en traversant les masses d’air qui vont du sud-ouest au nord-est. — J’avoue que l’explication des tempêtes de l’Océan-Atlantique présentée par M. Dove laisse bien des doutes dans mon esprit. Je ne vois pas très clairement comment l’hypothèse d’un déversement d’air opéré dans les régions supérieures de l’atmosphère peut s’accorder avec le remarquable abaissement de la pression barométrique qui signale toutes les grandes tempêtes tournantes ; mais l’autorité de M. Dove en météorologie est si considérable que j’ai dû rapporter une explication qui en tout cas peut mettre les savans sur la voie de recherches fécondes.

Les tempêtes tournantes ne s’annoncent pas seulement par l’abaissement du baromètre : d’autres circonstances permettent de les prédire. Dans cette immense trombe cylindrique, l’air monte sans cesse en tournant, et il se forme une condensation de vapeur d’eau dans les régions élevées : c’est pour cela que les marins redoutent avec