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métiers qui travaillent successivement la même matière. Les opérations du tissage sont au nombre de quatre : le dévidage, l’ourdissage des chaînes, le parage ou encollage, enfin le tissage proprement dit. Le dévidage et le bobinage, qui occupent un grand nombre de travailleurs, sont confiés à des enfans, à des femmes, à des vieillards, et se font presque toujours à domicile. À l’intérieur de la manufacture, l’ourdissage du coton, du lin, de la laine, s’opère à la mécanique. L’encollage, qui a pour but d’égaliser les fils et d’en faciliter le mouvement dans le tissage, est fait par des hommes dans des salles chauffées à une température de 37 ou 40 degrés. Dans l’atelier du tissage, il y a toujours un nombre considérable de métiers : un seul cheval de force suffit pour mettre en mouvement dix métiers avec tous les appareils de préparation nécessaires. Le taquet, qui chasse incessamment la navette, le battant, qui frappe la trame cent vingt fois, ou même, dans les métiers à grande vitesse, cent quarante fois par minute, les vibrations que ces chocs réitérés impriment à toutes les parties du métier, produisent un vacarme assourdissant que la voix de l’homme a peine à couvrir. La vapeur fait tout dans le tissage ; elle lance la navette, la ramène et la lance encore ; elle enroule le tissu sur le cylindre à mesure qu’il est formé ; elle arrête même le métier chaque fois qu’un fil se casse. L’ouvrier ne fait que rattacher les fils brisés et remettre ensuite la courroie sur la poulie pour que la machine reprenne sa marche. Il est vrai que cette simple besogne le laisse rarement en repos, et c’est de la rapidité avec laquelle il la remplit que dépend l’importance de son salaire. Un ouvrier adroit et actif gagne deux ou trois fois plus qu’un ouvrier indolent ou maladroit. L’habileté de l’ouvrier profite également au patron, dont les frais fixes sont invariables, quelle que soit la besogne faite. En général, un tisserand à la mécanique gouverne deux métiers, avec lesquels il fait autant de besogne que cinq tisserands à bras. Ce travail, qui n’exige que de la dextérité, de l’attention, et peu de force, convient aussi bien aux femmes qu’aux hommes ; elles tissent aussi vite, et gagnent par conséquent d’aussi bons salaires, parce que tout ce travail se fait à la tâche. De tous les métiers auxquels peuvent se livrer les femmes, le tissage est le plus productif, et comme les hommes en France le recherchent aussi beaucoup, tous nos ateliers de tissage presque sans exception sont des ateliers mixtes.

Nous ne parlerons pas des fabriques de drap, parce que les femmes n’y ont pas d’attributions particulières. Le tissage de la laine, principalement confié à des hommes, se fait presque partout à bras et à domicile. Ce sont des hommes encore que l’on emploie pour apprêter le drap, c’est-à-dire le fouler, l’ouvrir avec des brosses de chardon, le tondre, le presser et le décatir. Il nous reste pourtant à