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Considérée dans les traits les plus généraux, la science nouvelle n’est qu’une branche de la physique générale de notre globe, sur laquelle Alexandre de Humboldt a jeté tant d’éclat par ses longs et remarquables travaux. Des voyages entrepris dans les régions les plus diverses avaient de bonne heure tourné son attention sur les grandes questions de la géographie terrestre. En parcourant l’océan, en traversant les Andes, en visitant les Antilles, l’immense vallée de l’Orénoque, les plateaux élevés de Quito, les steppes désolés de la Russie et de la Sibérie, le savant Allemand étudia toujours avec le plus grand soin toutes les apparitions de la mer et de cet autre océan qu’on nomme l’atmosphère. De toutes les sciences, il n’en est peut-être pas de plus attrayante que la physique terrestre ; outre les résultats scientifiques qu’elle recueille, elle peut fournir à un esprit philosophique les documens les plus précieux pour l’histoire des races humaines. Combien ne voit-on pourtant pas d’hommes, et je parle des plus cultivés, de ceux qui sont doués des plus remarquables qualités de l’esprit, complètement étrangers à tout ce qui concerne cette terre où s’écoule leur existence ! Ils passent sur ce théâtre sans daigner l’apercevoir, ne regardant jamais qu’en eux-mêmes, sans connaître les pures et profondes jouissances que procure l’étude de la nature. Il y a, je le sais, des sciences qui, par la difficulté des méthodes, par la complication des objets, demeureront toujours l’occupation exclusive d’un petit nombre d’adeptes. Pour s’élever aux spéculations de la haute analyse mathématique, il faut en quelque sorte une organisation cérébrale toute particulière. Ce ne sont pas seulement les sciences abstraites qui restent hors de la portée du vulgaire : parmi les sciences naturelles, il en est dont les profondeurs échappent forcément à ceux que la vocation ne pousse point à y consacrer leur vie tout entière. La majorité des hommes ne peut aspirer qu’à connaître de ces sciences les résultats les plus larges et les plus philosophiques : de ce nombre sont la chimie, la physique proprement dite, la géologie, l’étude des animaux fossiles, la botanique même. Cependant la géographie physique et générale de notre planète pourrait, ce semble, être étudiée avec fruit par le plus grand nombre : elle ne réclame aucune discipline, aucune préparation scientifique sévère. Est-ce parce qu’elle s’adresserait si bien à la masse du public que cette science n’a pas dans notre pays une seule chaire pour se faire connaître ? Il y a quelques années, une société météorologique s’est établie en France : ses publications méritent les plus grands éloges ; pourtant le cercle de son activité ne paraît pas s’agrandir, et cette utile fondation n’a pas obtenu ce patronage désintéressé des grands noms et de la richesse qui, chez nos voisins d’Angleterre, ne fait jamais défaut aux sociétés savantes et en assure la prospérité matérielle.