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amas d’eau que des schotts ou marais produits par des pluies. Tous les grands lacs, la Mer-Caspienne, la mer d’Aral, le lac Baïkal, les lacs de la Suède, de la Russie, de la Finlande, de la Suisse et du nord de l’Italie, la chaîne des lacs des États-Unis et de la Nouvelle-Grande-Bretagne, appartiennent à notre hémisphère. Ce sont autant de relais de la mer, de témoins d’une ancienne submersion, restés là comme les flaques d’eau et les étangs après une grande inondation. Concevons un continent envahi par une masse d’eau considérable : toutes les parties seront successivement submergées ; les sommets des montagnes formeront des îles où leurs chaînes s’avanceront en pointe au-dessus de la surface liquide avec l’apparence de caps ; les vallées intermédiaires seront transformées en golfes. Que les eaux viennent maintenant à baisser, on verra d’abord augmenter le nombre et l’étendue des îles, puis des langues de terre les joindre entre elles et les changer en péninsules, en continens ; bientôt il n’y aura plus de submergés que les lieux bas, les vallées profondes, qui constitueront autant de lacs. Ces lacs s’évaporeront graduellement à leur tour, si la condensation des vapeurs ou le déversement de quelques rivières n’y entretient pas le niveau des eaux. Or c’est précisément ce qui semble s’être passé pour notre hémisphère.

Plus le niveau de la masse liquide aura baissé, ou, ce qui revient au même, moins les mers subsistantes seront profondes, plus il y aura de lacs, et réciproquement l’abondance de ces lacs est dans notre hémisphère l’indice de la moindre profondeur des mers. Jetons les yeux au contraire sur l’hémisphère austral, tout y offre l’aspect d’une terre submergée. On ne voit paraître au-dessus de l’eau que des plateaux, des crêtes ou des sommets de montagnes. L’absence des lacs, la rareté des îles à mesure que l’on s’approche du pôle, prouvent la grande profondeur des mers. Les îles de la Mer du Sud sont les sommets de montagnes sous-marines. La terminaison en pointe de l’Amérique méridionale, de l’Afrique, des Indes-Orientales, la Mer-Rouge, les golfes d’Arabie, de Bengale, de Siam, qui ont tous leurs ouvertures dirigées vers le sud, donnent parfaitement l’idée d’une terre submergée, dont les parties élevées sont restées seules au-dessus de l’eau.

Sans doute on peut s’expliquer la formation de quelques lacs par les eaux des fleuves qui s’y versent ; mais pourquoi en existe-t-il, comme le lac Soun, le lac Tchan, le lac Oubinsk, qui n’ont pas d’affluens ? Pourquoi certains lacs, comme le grand lac salé d’Utah, sont-ils situés à une altitude de plus de 1,200 mètres ? Si ces lacs ne sont pas les restes d’un ancien déluge, s’ils sont nés simplement à la suite d’un soulèvement violent, comment leurs eaux ne se sont-elles pas déversées ? En outre, leur salure si fréquente n’est-elle pas