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comprendre qu’il en soit ainsi. Partout ailleurs l’homme est l’ennemi ou le rival de l’homme ; ce n’est que là qu’il sent sa consanguinité avec la grande famille humaine, là seulement qu’il se sent un citoyen du monde. Un trait bien marqué du livre d’Hawthorne, c’est son respect pour le catholicisme et son goût très accusé pour la pratique de la confession. Il n’est pas difficile d’expliquer comment ce descendant des puritains est arrivé à admirer le dogme qui fut le plus antipathique à ses ancêtres. C’est un de ces retours imprévus de la logique générale de l’esprit universel qui se joue des prémisses que posent les individus, et qui se charge de tirer des doctrines les plus inflexibles les résultats les plus contraires à ceux qu’elles voulaient atteindre. Hawthorne n’est plus animé de la haine contre Rome qui soutenait ses ancêtres, et privé de cet appui moral, son esprit, qui a hérité de tous leurs dons d’analyse impitoyable, devait inévitablement sentir la raison religieuse et la valeur philosophique du sacrement de la pénitence. Il a assisté à trop d’examens de conscience, il connaît trop les secrets de la pensée, il a trop bien décrit ces momens d’angoisse extrême où l’âme, poursuivie par d’invisibles ennemis, sent le désir irrésistible de proclamer à haute voix devant les foules assemblées sa faute ou son innocence, où l’imagination effarée ne voit de recours contre les monstres de l’enfer que dans la protection de Dieu, pour ne pas comprendre les propriétés calmantes de ce remède religieux. La science d’analyse des puritains se retourne ainsi contre elle-même, et l’excessive susceptibilité de conscience qui fut leur grande vertu finit par donner raison sur ce point à l’église ennemie. Hawthorne n’admet pas la confession comme une pratique habituelle, mais il la regarde comme la seule ressource de l’âme dans certains cas désespérés. Voici un exemple de ces cas exceptionnels. Hilda était une jeune Américaine, protestante fervente, mais d’une tendance mystique que favorisaient la douceur de son caractère et sa candeur absolue. Comme toutes les personnes innocentes qui ignorent la vie, chez elle la religion était plutôt la volupté suprême de l’âme que le remède souverain. La piété, cette vertu charmante qui est plus particulièrement propre au catholicisme qu’à toute autre religion, avait fleuri spontanément dans l’âme de cette fille des puritains. Quoique protestante, elle n’avait à aucun degré l’aversion de Rome, et elle ne se faisait aucun scrupule d’alimenter la lampe qui brûlait devant la madone au pied d’une certaine tour qu’elle habitait. Une pareille âme n’a pas besoin du secours de la confession, car la pureté est sa vie. Oui, mais le jour où cette blancheur d’hermine sera tachée, qu’arrivera-t-il ? Hilda avait vu le crime commis par Donatello, et à partir de ce moment sa conscience ne lui laissa plus de repos. Toutes les craintes