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t la disette et le choléra qui faisaient retarder le voyage ; puis vinrent les révolutions de 1848, qui ne remettaient pas en grand honneur de telles fêtes ; finalement Oscar y renonça. Charles XV reprend hardiment les anciennes coutumes, et il sera le bienvenu en Norvège.

L’attachement de la Norvège à l’union avec la Suède ne saurait être suspect. Qu’était la Norvège à la veille du traité de Kiel ? Une province danoise fort négligée et fort inconnue. Qu’était-elle à la veille de la convention de Moss ? Une province cédée en vertu d’un traité par le Danemark à la Suède, mais s’insurgeant contre cet acte de son souverain légitime, se donnant en toute hâte à elle-même une constitution fort libérale, entreprenant de soutenir sa révolte par les armes, se voyant vaincue, mais rencontrant un vainqueur qui, pressé lui-même par certains dangers, acceptait, pour en finir promptement, la constitution qu’elle s’était donnée. Depuis lors, la Norvège a fort habilement étendu et confirmé les libertés qui lui avaient été d’abord reconnues, et, grâce à l’union avec la Suède, de province humble et dédaignée qu’elle était, la voici devenue un royaume autonome et libre. Encore une fois, l’attachement de la Norvège à l’union ne saurait être suspect : elle en a trop largement profité pour ne pas espérer qu’elle en profitera encore ; elle y tient, sinon par reconnaissance, au moins par intérêt. La Norvège n’est pas moins dévouée à la dynastie royale dans laquelle se personnifie l’union. Bien plus, en ce moment surtout, et après l’éclat des derniers dissentimens, on la verra, nous n’en doutons pas, loin d’accueillir avec froideur le couronnement, acclamer le nouveau roi de Norvège, comme on dit au-delà de la frontière suédoise, et se montrer bien plutôt disposée à accaparer la dynastie, si cet accaparement ne ruinait pas l’union, qu’à y renoncer au profit d’on ne sait quelle fausse et trompeuse indépendance dont elle n’aurait pas longtemps à s’applaudir.

Le roi Charles XV a d’ailleurs des titres personnels au bon accueil qu’il doit rencontrer en Norvège : avant d’être appelé à la régence par suite de l’état de maladie du roi son père, il a été vice-roi à Christiania ; il s’est fait connaître et aimer des Norvégiens. Dans le dernier débat entre les deux royaumes, non forcé encore de prendre une résolution définitive, il a conservé une sorte de neutralité qui n’a pas porté atteinte à ces sentimens d’affection. Il est permis de compter sur lui pour amener, après des querelles dont le moindre effet serait d’entraver le développement de chacun des deux pays, une heureuse issue fort souhaitable. Ce qui semble le plus pressé est de fixer la situation et de bien déterminer quels doivent être les rapports mutuels. Il faut, pour y réussir, une révision de l’acte d’union. Le document qui porte ce titre dans l’état actuel des choses, rédigé en toute hâte, est singulièrement incomplet, et ne contient aucune des dispositions nécessaires. Il faut qu’un autre acte d’union soit débattu de concert par le storthing norvégien et la diète suédoise, adopté par les représentans et par le roi commun des deux pays, et qu’il devienne la règle imprescriptible et