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guerre nationale, et son beau caractère, aussi bien que son courage, M donnait une influence considérable dans les conseils du gouvernement.

Cette réunion de la guerre et des finances dans les mêmes mains nous paraît à première vue une anomalie. Elle ne choque pas dans une société où tout le monde est négociant ou producteur, souvent l’un et l’autre, à commencer par le chef de l’état, où par conséquent tout le monde sait compter. Ces généraux, ces ministres, ces consuls étrangers, ces médecins, ces avocats, ces juges, ont un comptoir et des magasins où ils vendent eux-mêmes tous les produits de l’industrie européenne. C’est dans un magasin que j’ai rencontré pour la première fois une des plus hautes personnalités de l’opposition, M. le docteur Castro, qui avait précédé M. Mora sur le fauteuil présidentiel, et qui, venu en France en 1852, y avait reçu la croix l’officier de la Légion d’honneur. Le panama que je portais m’avait été vendu par une autre illustration centro-américaine, le général Salazar, ancien président, de Guatemala et de San-Salvador, ancien compagnon d’armes de l’héroïque Morazan. Les positions officielles ne sont que des accidens temporaires, quelquefois des charges onéreuses, médiocrement rétribuées[1] ; l’agriculture et le commerce au contraire sont les sources permanentes et inépuisables de la fortune. On peut accepter un portefeuille ou un commandement dans une commission gouvernementale en harmonie avec ses opinions, mais on ne renonce pour cela ni à sa plantation ni à son comptoir ; si l’indépendance personnelle y gagne, l’intérêt de l’état n’en souffre pas.

On voit par ces premières indications qu’il y a peu d’analogies sociales entre ce petit peuple, groupé sur un plateau inter-océanique, en dehors des grands courans maritimes, et nos civilisations compliquées. Il n’y a guère que la Suisse qui ressemble de loin, et par ses beaux côtés, à Costa-Rica. Ici, comme en Suisse, tout est simple, la politique, les mœurs, la conduite publique et privée ; c’est l’esprit du père de famille, économe, réservé, conservateur, qui maintient l’ordre, le travail et l’épargne, aussi bien dans les affaires de l’état que dans celles du foyer domestique. Les mêmes principes et tes mêmes hommes président à ces deux ordres de choses. Toute la nation possède et travaille. L’armée, en temps de paix, ne fournit pas le moins d’hommes possible à titre de police et de gendarmerie. Il y avait à peine trente soldats par jour détachés à San-José, la

  1. Les ministres et les généraux en activité reçoivent à peu près 500 francs par mois, les colonels 400, les lieutenans-colonels 330. La majorité des employés est payée à raison de 250 francs par mois. Pas de gros traitemens et pas de salaires insuffisans. Le président seul avait une liste civile de 30,000 francs par an, à laquelle on avait ajouté récemment 50,000 francs pour frais de représentation.