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retour à ses anciennes destinées ne paraît pas promis à Pont-Audemer, mais la régularisation et la fixation de l’embouchure de la Risle devront tout au moins être comprises dans les travaux de navigation de la Seine : on complétera ainsi l’effet des ouvrages intérieurs qui ont, depuis quelques années, rendu la ville plus accessible aux navires. Jusqu’à présent le mouvement du port n’a point dépassé 20,000 tonneaux ; la ville n’était qu’une humble partie de la clientèle de Rouen, du Havre et d’Honfleur : elle a maintenant l’ambition de recevoir directement d’Angleterre sa houille, de Suède ses bois, et l’arrivée à quai d’un bâtiment norvégien de 160 tonneaux a été saluée en 1856 comme le début d’une ère nouvelle. Déjà les berges de la Risle sont encombrées de ballots de laine, de lin, de coton, de bois de teinture et de bois du Nord ; un bateau à vapeur entretient des relations régulières avec Le Havre, de puissantes manufactures s’élèvent de tous côtés, et l’activité du travail industriel promet à la navigation une extension dont il faudra bientôt tenir compte.

Placé sur la route directe de Caen à Rouen, en tête d’une navigation maritime et fluviale assez importante, Pont-Audemer était, pour son malheur, pendant les guerres qui ont désolé la Normandie depuis le XIIe siècle jusqu’à la consolidation du trône d’Henri IV, un poste militaire considérable. Dans le siège de 1122, qui se termina par l’incendie de la ville, le château ne se rendit d’épuisement qu’au bout de six semaines de combats meurtriers. Charles le Mauvais s’en étant emparé en 1378, le connétable Duguesclin vint l’assiéger avec des forces considérables. « Si y eut plusieurs assaults, dit Froissart, et furent ceux du dedans durement oppressés et requis par le connestable qu’ils se rendissent ou tous seraient morts s’ils étoient pris par force. C’étoient les promesses que le connestable promettait par coutume… » Il vint à bout des Navarrois, et pour n’avoir point à y revenir il fit raser l’enceinte, les tours et la citadelle. Les villes ne pouvaient pas, dans ces siècles de désordres, rester longtemps ouvertes, et se clore était une condition d’existence. Pont-Audemer fut de nouveau fortifié et occupé, sous le règne de Charles VI, par les Anglais, qui n’en furent définitivement chassés que le 12 août 1448. « Étoient dedans icelle ville, dit Alain Chartier, quatorze cent vingt Anglois, lesquels se défendirent moult vaillament et longuement ; mais à la fin perdirent la ville et se retrahirent en une forte maison. Les François y entrèrent par le moyen du feu qu’ils avoient mis, et les Anglois, voyant leur puissance, se rendirent tous prisonniers au comte de Dunois. »

Ce que la ville eut à souffrir dans ces guerres nationales est attesté par les lettres patentes du 5 septembre 1449, où, la voyant en voie