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sans rappeler que les Anglais multiplient sous ce nom sur le rivage opposé des mouillages fortifiés ouvertement destinés à couvrir des bâtimens armés en course contre notre commerce. Nous devrions tout au moins imiter leur prudence dans ce qu’elle a d’inoffensif, et ne pas pousser la courtoisie jusqu’à laisser à la disposition de leurs croiseurs les mouillages faits pour recueillir en cas de gros temps ou de chasse, les nombreux navires qui se dirigent de la côte du Calvados sur l’embouchure de la Seine. L’ampleur et l’inviolabilité des abris ne sont nulle part si nécessaires que sur les points de convergence de tous les navires qui sillonnent les, eaux françaises de la Manche, et l’atterrage de Trouville offre à cet égard des avantages naturels qu’il n’est pas permis de négliger.

Les basses mers des équinoxes mettent à découvert, à deux milles au nord de l’entrée de la Touques, une humble esplanade ordinairement submergée : c’est l’affleurement du Banc-Cabeux, colline sous-marine qui s’allonge parallèlement à la côte en laissant un chenal intermédiaire qui conserve aux plus basses mers une profondeur de 5 ou 6 mètres : le banc n’est point alors recouvert, sur plus de 3 kilomètres, de plus de 15 décimètres d’eau. Si des observations spéciales confirmaient les assertions des pêcheurs sur la stabilité du Banc-Cabeux, la meilleure position stratégique du sud de l’embouchure de la Seine serait aussi le point où la création d’un refuge serait la plus facile. Une digue submersible posée sur la crête du banc convertirait le chenal qu’il protège en une rade couverte également accessible du côté du large et de celui d’Honfleur, et les batteries de couronnement de la digue, en défendant ; le chenal méridional de la Seine, interdiraient à l’ennemi des positions très dangereuses pour Le Havre.

L’atterrage de Trouville n’a point été jusqu’à présent considéré sous ce point de vue, et quoiqu’il n’ait pas d’autre aire territoriale que celle qui est très suffisamment desservie par le port d’Honfleur, on veut en faire un port de commerce : un décret du 20 juin 1860 a ouvert un crédit de 2,400,000 francs pour les premiers frais de l’établissement sur la rive gauche de la Touques d’un bassin à flot de 600 mètres de long sur 120 de large. Une spéculation sur la plus-value des terrains adjacens s’appuie sur cette entreprise, et y contribue pour 300,000 francs versés au trésor public. Peut-être pouvait-on, sans chercher beaucoup, trouver sur la côte des projets aussi utiles. Si le bassin de Trouville n’est alimenté que par ce qu’il enlèvera à Honfleur, il n’opérera qu’un déplacement d’avantages, et les rancunes des dépouillés seront plus vives que la gratitude des favorisés. Disséminer les ressources maritimes n’est point un moyen de les fortifier, et si les fonds employés au creusement d’un bassin