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sûr développement de la constitution anglaise : elles ont commencé par protéger seulement le domicile privé ; mais, comme l’a dit un des grands hommes d’état du pays, elles ont fait de la maison de chaque Anglais une citadelle que la foudre peut frapper, dont la tempête peut briser les portes, mais qui ne s’ouvre point à qui n’a pas le droit d’y entrer. Sans doute ces garanties ont été longtemps contestées, longtemps éludées : elles n’ont jamais cessé d’être revendiquées. Patiemment conduises, elles ont été opiniâtrement défendues ; suspendues quelquefois, dans le cas de danger public, au moyen de pouvoirs extraordinaires donnés aux membres du conseil privé, elles ont repris leur empire dès que le danger s’est éloigné : elles sont donc restées comme l’arche sainte dans laquelle, aux jours d’épreuves, la liberté politique, chassée de tous ses postes avancés, a trouvé un dernier asile d’où plus tard elle a repris son élan. La protection accordée par la loi à tout citoyen anglais contre toute détention injuste a été le plus puissant encouragement à la résistance contre l’oppression ; la liberté individuelle, une fois mise hors de l’atteinte du pouvoir arbitraire, a suffi pour le tenir en échec et le forcer ensuite à capituler. C’est en l’incorporant en quelque sorte à sa législation que la nation a appris ce que valent les principes du droit public pour les peuples qui savent s’en servir et y rester fidèles.

Ce n’est pas seulement l’Angleterre qui témoigne de la prévoyance du législateur en faveur de la liberté individuelle, tant qu’elle n’est pas retirée au citoyen par jugement. Sans parler des États-Unis, qui ont emprunté à l’Angleterre les principales garanties de sa législation, et les ont quelquefois même outre-passées au détriment de la sécurité générale, il est plus d’un peuple qui a pris ses précautions contre les dangers de la détention préventive. Dans les pays où la liberté de la personne semble avoir gardé son prix antique, la détention préventive n’est qu’une rare exception, et la loi réserve au citoyen dans la plus large mesure le droit à la liberté sous caution. Ainsi, en Danemark, tout accusé, à moins d’être surpris en flagrant délit et d’être passible d’une peine capitale ou corporelle, peut, en donnant caution, venir librement devant ses juges et s’en retourner chez lui jusqu’à ce qu’il soit condamné. En Suisse et notamment à Genève, la détention préalable ou même l’obligation de donner caution est soumise au jugement d’un jury de notables, si le prévenu est détenu au-delà de huit jours. La Belgique a, par une loi récente, pris l’initiative des réformes qui ont été plus d’une fois demandées en France. La détention préventive n’y est plus conservée à l’égard des prévenus correctionnels que dans des circonstances graves et exceptionnelles ; elle n’est plus exigée rigoureusement à