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le droit d’arrestation sans mandat, et il importerait d’exiger qu’il conduisît sans aucun retard devant le juge le prévenu une fois arrêté, sous peine d’être condamné comme coupable de détention arbitraire. Cette obligation est imposée aux procureurs impériaux : aucun fonctionnaire ne peut donc à bon droit en être dispensé. Ce ne seraient pas là, même aujourd’hui, des dispositions superflues : l’usage, dit-on, n’a-t-il pas prévalu de retenir journellement plus ou moins longtemps un grand nombre de prévenus à la préfecture de police avant de les renvoyer devant les juges d’instruction ? Il est vrai que la préfecture de police n’est pas considérée comme un lieu de détention, et qu’elle sert aussi de fourrière pour les animaux malfaisans et abandonnés. C’est donc comme en fourrière qu’on y garde les prévenus ; mais qu’est-ce que cette mesure, sinon la détention préventive illégalement anticipée ?

Un arrêt tout récent de la cour de Bourges, pris au hasard, peut servir à témoigner si la loi, telle qu’on l’interprète, est favorable à la liberté individuelle. Un agent de police administrative, n’ayant comme tel aucune qualité d’officier de police judiciaire, venait de faire un procès-verbal à un cocher qui contrevenait à un arrêté municipal en conduisant sa voiture au trot sur le quai de la Loire : le maître du cocher fait des représentations à l’agent de police, qui les reçoit mal et se dit injurié ; il est aussitôt arrêté, et au lieu d’être conduit devant le magistrat compétent, il est enfermé dans la chambre de sûreté de la ville, où il est retenu depuis huit heures du soir jusqu’au-lendemain trois heures après midi sans être interrogé. Sa demande en dommages-intérêts n’en a pas moins été écartée. L’agent de police avait informé le commissaire, et cette formalité a été jugée suffisante. Veut-on encore un exemple choisi entre beaucoup d’autres, et que les journaux judiciaires faisaient dernièrement connaître ? Un commissaire de police avait arrêté un prévenu de banqueroute en dehors de ses attributions, aucun flagrant délit ne pouvant être allégué ; il l’avait même privé de sa liberté pendant une journée entière avant de le faire conduire devant le juge, et le prévenu fut obligé, malgré l’illégalité de son incarcération, d’attendre avec patience un tardif élargissement. Tel est, en regard des textes du code, l’usage qui pourrait être fait dans une large mesure du droit d’arrestation et du droit de détention ; s’il n’était pas rigoureusement restreint, le pouvoir arbitraire n’aurait-il pas libre cours, et les garanties données aux citoyens ne seraient-elles pas éludées ?

Mais il ne suffit pas d’améliorer la loi, il faut la faire exécuter. Les précautions destinées à protéger la liberté individuelle ne seraient pas efficaces si les moyens légaux de faire cesser la détention arbitraire étaient refusés aux citoyens. Le droit à l’élargissement