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un nom supposé (prince Itterburgh), qu’il s’enquérait de l’expédition de 1745, et que les dames de Londres le saluaient, comme Charles-Edouard, du Charlie’s my darling ! Il fallut que 1830 vînt délivrer Bernadotte de tant de terreurs. En face des dynasties nouvelles que la révolution de juillet enfantait, celle de Suède prenait presque un caractère de légitimité, et Bernadotte se sentait mieux affermi désormais sur le trône où l’élection d’un peuple qu’il avait assurément aidé à sortir de sa détresse l’avait librement appelé. À partir de cette époque en effet, il ne fut plus question qu’une fois pendant le règne de Charles-Jean de la famille détrônée : c’est lorsqu’en 1842 le prince Gustave, à défaut de son père, mort en 1837, crut devoir protester à l’occasion de l’ouverture des caisses renfermant les papiers de Gustave III. Plus tard aussi, à l’avènement du roi Oscar en 1844, le prince crut opportun d’adresser aux cabinets de Saint-Pétersbourg, de Londres, de Berlin et de Copenhague une déclaration réservant ses droits. Le nouveau roi répondit à cet acte en abolissant la cruelle loi de 1812, qui prononçait la peine de mort contre tout Suédois convaincu d’avoir entretenu des relations avec la famille exilée. Il y avait d’autant plus de générosité dans cette amnistie que les espérances du prétendant, en dehors du droit, n’étaient pas alors complètement déraisonnables. Le prince avait quarante-cinq ans, il venait de se séparer de sa femme, la princesse Louise-Amélie-Stéphanie de Bade, qu’il avait épousée en 1830 ; il pouvait se remarier, avoir un ou plusieurs fils à opposer au fils de Bernadotte et à ses héritiers. De plus la nouvelle dynastie ne comptait encore qu’un seul règne. Peut-être les illusions d’un prétendant étaient-elles encore permises. Toutefois Oscar de son côté avait jugé avec raison que la famille des Wasa représentait aux yeux de la Suède le pouvoir absolu et l’ancien régime, et que par conséquent son rôle était irrévocablement fini. Tout récemment encore, il y a quelques mois, à l’occasion de l’avènement de Charles XV, fils d’Oscar Ier, M. le prince Gustave de Wasa, aujourd’hui feld-maréchal dans l’armée autrichienne, a cru devoir renouveler sa protestation de 1844. Loin de nous la pensée de dédaigner le noble sentiment de la perpétuité du droit chez les descendans des illustres races ; c’est leur honneur de ne se pas croire libres d’y renoncer, jusqu’à ce que les desseins d’une sagesse supérieure viennent anéantir toutes ces espérances et tous ces souvenirs. M. le prince Wasa ne s’est pas remarié ; il a maintenant soixante et un ans, et son unique héritière, Mme la princesse Caroline, après s’être convertie au catholicisme, a épousé le prince royal de Saxe. La dynastie fondée par Bernadotte n’a donc plus rien à craindre de ce côté.

Le roi Oscar, en arrivant au trône, trouvait le pays avide de ré