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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/1001

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prend dans la nouvelle phase de la révolution ou de la régénération italienne. L’illustre sir Robert Peel, quand il avait à exposer les raisons qui le décidaient dans l’adoption d’une mesure, dans le choix d’une conduite, avait l’habitude de ranger pour ainsi dire en trois compartimens, de diviser en trois points les systèmes entre lesquels il devait se prononcer. Il y avait le pour, il y avait le contre, il y avait le terme moyen, le juste milieu, qu’il adoptait d’ordinaire. Bien que, même chez ce grand homme d’état, ce tic méthodique de l’argumentation en trois temps prêtât parfois à rire, nous en saisirons la commodité et nous en braverons le ridicule pour scruter le caractère de la politique que le gouvernement français paraît avoir adoptée. Ce gouvernement avait le choix entre trois conduites : ou donner purement et simplement son adhésion aux actes du Piémont, ou faire de la résistance à l’invasion piémontaise dans les états de l’église son affaire personnelle, en se fondant sur les obligations et les intérêts particuliers et distincts que lui crée la présence d’une troupe française à Rome, ou enfin prendre la question par le côté européen, établir que la juridiction supérieure à laquelle appartient la décision des questions que le Piémont prétend à cette heure trancher seul est la réunion des grandes puissances, dire que la France n’a dans cette affaire que des responsabilités, des intérêts et des droits égaux et non supérieurs à ceux des autres états de l’Europe, et remettre le règlement de l’Italie aux délibérations d’un congrès.

La première politique, l’adhésion passive aux actes du Piémont, est à peu près la politique de l’Angleterre. Il est clair qu’elle ne pouvait être la politique de la France. L’Angleterre a plusieurs raisons excellentes de pratiquer en Italie le laisser-faire. D’abord, en agissant ainsi, elle est conséquente avec elle-même : elle n’est jamais intervenue dans les affaires proprement dites de l’Italie ; elle a hautement et constamment déploré les interventions de l’Autriche et de la France dans la péninsule. En outre, les coups portés au pouvoir temporel du pape flattent, au lieu de les blesser, ses opinions religieuses. Ces coups font violence à la légalité internationale, et à ce point de vue on peut trouver étrange qu’un gouvernement régulier les encourage. En 1814, l’Angleterre avait donné le spectacle d’une contradiction opposée. Un parti et un souverain qui représentaient le bigotisme protestant le plus intolérant, qui refusaient dans le royaume-uni l’émancipation politique aux catholiques, avaient été alors au congrès de Vienne les avocats les plus énergiques de la restauration temporelle de la papauté. Aujourd’hui ce sont les anciens adversaires de George IV, les émancipateurs des catholiques qui sont au pouvoir, et il n’y a pas à se dissimuler que parmi eux ceux même qui sont dégagés de toute passion religieuse, et qu’on peut considérer comme de libres penseurs, se réjouissent de la chute temporelle de la papauté. D’ailleurs il n’y a rien dans le-résultat final auquel touche la politique piémontaise, il n’y a rien dans l’unira de l’Italie qui blesse ou offusque les intérêts anglais. Ce peuple de vingt-quatre millions d’hommes offrira à l’industrie anglaise un immense débouché. Un des calculs les plus