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et dont il se disait décidé à poursuivre la réalisation « jusqu’à son dernier soupir : » le développement de l’instruction publique et la subdivision des comtés en districts municipaux.

Ces deux questions se rattachaient depuis longtemps l’une à l’autre dans son esprit. De 1776 à 1779, lorsqu’il s’occupait, avec MM. Pendleton, Lee, Mason et Wythe, de mettre la vieille législation de la Virginie en harmonie avec ses institutions nouvelles, il avait fait le plan d’un système général d’instruction publique, d’après lequel chaque comté aurait été partagé en districts d’une dimension telle que la population de tout district fût à portée de l’école primaire qui devait y être établie. Or le bill n’avait été voté qu’en 1796, Jefferson n’avait pu en surveiller l’élaboration définitive, et la législature y avait introduit une disposition qui le rendait illusoire ; elle avait en effet conféré implicitement aux cours de comté le droit de ne pas exécuter la loi en les chargeant de fixer elles-mêmes le jour où elle serait appliquée dans leur circonscription : acte de faiblesse d’autant plus imprudent que la population des comtés n’avait aucun moyen d’action sur ses magistrats, et que ceux-ci se montraient en général peu zélés pour la cause de l’instruction primaire.

Le système communal de la Nouvelle-Angleterre, tel que l’a si bien décrit M. de Tocqueville, ne peut donner aucune idée de l’organisation administrative qu’avait alors la Virginie. Entre l’état et le citoyen, point d’autre pouvoir intermédiaire que la cour de comté, corps judiciaire et administratif que sa constitution rendait à la fois tout-puissant et irresponsable. Composé de magistrats nommés par lui-même, il était seul chargé, dans une circonscription souvent plus étendue qu’un arrondissement français, de la justice, de la police, des routes, des milices, de la nomination aux petits emplois administratifs et militaires, du vote et de l’assiette des taxes locales ; il gouvernait seul et sans contrôle toutes les affaires du comté. Une telle combinaison prêtait assurément à la critique. Le pouvoir municipal s’exerçait de trop loin et par une petite oligarchie trop étroite et trop absolue : les intérêts et les sentimens des administrés pouvaient trop facilement être ignorés ou méconnus par l’administration, la vie communale était nulle, l’indifférence politique assez générale dans les masses ; mais la Virginie avait l’habitude et le goût de ce régime aristocratique. En fait, les abus étaient rares ; la non-exécution de la loi sur l’enseignement primaire était beaucoup plus imputable à la législature qu’aux cours de comté, et quand même le contraire eût été vrai, on ne pouvait que compromettre la cause des écoles en la liant ouvertement à celle d’une réforme radicale dans l’administration de l’état ; on ne pouvait que susciter des obstacles à