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ils saisir ce souverain des âmes qu’ils rencontreront pourtant à chaque instant dans la conscience des hommes sur lesquels ils règnent ? Plus donc de diplomatie, plus de négociations, plus de contrats et de concordats entre les gouvernemens et le pontife ! Le chef du catholicisme sera forcé de placer sa foi sous le rempart de la liberté de conscience. Alors plus d’églises d’état : peu à peu, à la longue, les églises sont libres ; les temporalités ecclésiastiques, en tant qu’elles sont liées au mécanisme des gouvernemens, disparaissent ; le prêtre n’est plus fonctionnaire ; l’évêque n’a plus à prendre rang parmi les autorités dans les représentations officielles ; la chaîne dorée du budget des cultes se rompt ; le prêtre vit de l’autel, mais la rétribution du fidèle est volontaire. Ainsi se dissout cet antique mariage qui datait du jour où l’empire se fit chrétien, et où l’état entra dans l’église et l’église dans l’état. Le nouveau régime deviendra bien peut-être, à la longue, gênant pour les gouvernemens ; mais il retrempera la ferveur catholique et nous ramènera aux premiers temps du christianisme…

Il est cruel de se réveiller au milieu de ces rêves, quand on réfléchit qu’une guerre générale et un cataclysme européen peuvent seuls vraisemblablement empêcher la réalisation de ces deux utopies. e. forcade.




ESSAIS ET NOTICES

LES RÉFORMES ADMINISTRATIVES DANS LA MARINE RUSSE.

Un éminent officier de la marine française exprimait dernièrement dans la Revue des Deux Mondes[1] un vœu auquel nous sommes heureux de pouvoir répondre. « Ce n’est pas, disait-il, le développement matériel de la marine russe que nous aurions à étudier, mais bien plutôt les dispositions éminemment libérales par lesquelles le grand-duc Constantin s’est efforcé d’améliorer le sort de la grande famille à la tête de laquelle la confiance de l’empereur l’a placé. » Bien qu’étranger à cette noble famille, qui a su, dans la guerre de Crimée, conquérir l’estime de ses ennemis eux-mêmes, nous avons tenu à nous procurer des informations précises sur le sujet qui préoccupait à si bon droit l’amiral français. Il nous a été donné de consulter quelques documens officiels qui mettent en pleine évidence cette sollicitude du gouvernement russe pour le sort du marin à laquelle on rendait dans la Revue un si éclatant hommage. En attendant un tableau plus complet, que nous voudrions voir tracé par une plume mieux autorisée que la nôtre, peut-être ne lira-t-on pas sans intérêt ces détails sur la condition présente des marins russes telle que l’assurent les récentes mesures adoptées sous la généreuse Influence du grand-duc Constantin.

C’est depuis la guerre de Crimée surtout qu’une impulsion paternellement réformatrice s’est fait sentir dans la marine russe. Les réformes accomplies

  1. M. le contre-amiral Jurien de La Gravière, dans la Revue du 1er avril 1860, p. 599.