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de Leipzig forme un gros volume, où le chapitre consacré aux arts tient une bonne et large place. On écrit sur tout, à propos de tout, et le moindre incident de la vie publique devient l’objet d’une brochure ou d’un gros volume. On y étudie la vie des grands maîtres, on publie leurs œuvres, on glorifie leur mémoire et on maintient le respect des ancêtres au milieu des événemens du jour qui entraînent l’esprit humain on ne sait vers quel avenir de progrès ou d’abaissement intellectuel et moral. Les Allemands sont rarement concis ; leurs livres sont remplis de détails infiniment petits, qui absorbent l’attention du lecteur aux dépens de l’idée première qui est l’objet de leur étude. Tout dans la vie d’un homme célèbre leur paraît digne d’être transmis à la postérité, et ils chargent leurs pages de notes explicatives qui étouffent le texte et détruisent l’intérêt de l’ensemble. Ce défaut se fait particulièrement remarquer dans la Vie de Mozart, par M. Otto Jahn, l’ouvrage après tout le plus complet qu’on ait écrit sur l’auteur de Don Juan.

Puisque nous venons de nommer le chef-d’œuvre de Mozart, sur lequel il a été écrit de quoi former une bibliothèque de commentaires historiques et psychologiques, nous voulons dire un mot d’un opuscule intéressant qui a paru à Breslau sur la Mise en scène de Don Juan, d’après le libretto original de Lorenzo da Ponte. L’auteur de cet opuscule, M. de Wolzogen, est un esprit cultivé, un amateur des arts qui a longtemps habité Paris ; il a eu la bonne fortune de trouver dans la bibliothèque d’un curieux le libretto original de Don Juan qui fut publié à Prague en 1787, quelque temps avant la première représentation du chef-d’œuvre. Il suit scène par scène le poème de da Ponte, qui porte le titre de drama giocoso, et il en fait ressortir l’esprit avec beaucoup de goût et d’ingéniosité. L’opuscule de M. de Wolzogen ne peut manquer d’intéresser les nombreux admirateurs du plus parfait chef-d’œuvre de la musique dramatique.

M. de Wolzogen, qui aime le théâtre et qui comprend la bonne musique, a publié dans différens journaux politiques et littéraires de l’Allemagne des articles piquans qu’il vient de réunir en un volume sous ce titre : Théâtre et Musique. Nous y avons particulièrement remarqué le chapitre sur la décadence de l’art de chanter, qui renferme d’excellentes observations ; celui intitulé la Musique allemande en Italie, où l’on trouve des faits curieux et vrais ; enfin le chapitre sur la Musique de l’avenir, qui parut d’abord dans la Gazette d’Augsbourg en 1858. Les idées saines de M. de Wolzogen, que nous partageons entièrement, furent accueillies alors avec une légitime sympathie. M. de Wolzogen écrit avec une prestesse de style qui n’est pas une qualité commune au-delà du Rhin.

Le dernier des grands compositeurs allemands, Louis Spohr, qui est mort l’année dernière à Cassel, plein de jours et de gloire, a déjà occupé la plume des biographes, et l’un de ses élèves, M. Alexandre Malibran, a consacré à la mémoire de ce compositeur éminent quelques pages émues et touchantes. Si je ne me trompe, M. Malibran est venu, il y a cinq ou six ans, à Paris, où il a fait entendre au public une symphonie maritime de sa composition qui avait tous les inconvéniens de la musique pittoresque, lorsqu’elle n’est pas l’œuvre d’un