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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/226

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militaires fussent rendus à Ben-Allal comme à un officier supérieur de l’armée française. Au cercle de Mostaganem, on voyait, à l’époque où j’étais en Afrique, les deux tambours et le drapeau des réguliers de l’armée d’Abd-el-Kader : c’étaient les trophées du 4e de chasseurs d’Afrique, qui doivent appartenir aujourd’hui aux chasseurs de la garde.

L’année qui suivit ce brillant combat devait compter parmi les plus belles dans les annales de la guerre d’Afrique et aussi dans les fastes des chasseurs, représentés à Isly par les 2e et 4e régimens. On n’ignore pas que l’ordre de bataille adopté par le maréchal Bugeaud ressemblait à une tête de porc ; c’est l’expression dont le maréchal lui-même s’est servi dans son glorieux bulletin. La cavalerie était dans l’intérieur de la tête, sur deux colonnes, attendant l’heure de fondre sur l’ennemi comme l’ouragan. On marcha d’abord lentement ; quand on se fut approché, on vit que ce qui figurait de loin une grande redoute était l’immense tente du général marocain, le prince impérial Sidi-Mohamed, dont les abords étaient garnis d’artillerie. Le moment parut propice au maréchal pour lancer toute sa cavalerie. Les 2e et 4e chasseurs d’Afrique, sous le commandement du colonel Morris, se précipitèrent hors du carré comme une avalanche. Rien ne devait résister à l’entrain de ces vigoureux cavaliers, et bientôt l’armée marocaine fut en pleine déroute.

La bataille d’Isly marque le terme de cette étude : une fois soumis à l’épreuve d’une bataille rangée, les chasseurs d’Afrique ont fixé leur place dans l’armée française. Les suivre en Crimée, en Italie, ce serait encore raconter de belles pages, mais où ils n’apparaissent plus aussi indépendans du reste de l’armée que durant les années de formation laborieuse que nous avons tenu surtout à mettre, en lumière. Rappelons seulement cette brillante charge du 4e chasseurs à Balaclava, qui arrêta le feu de l’artillerie russe foudroyant la cavalerie légère anglaise en retraite[1]. Les chasseurs d’Afrique eurent aussi quelques heureux combats d’avant-garde avec les Cosaques ; les quatre régimens assistèrent à la bataille de Traktir, mais sans avoir l’occasion d’y donner. Après la campagne de Crimée, les trois premiers régimens rentrèrent en Afrique ; le 4e, licencié, forma les chasseurs à cheval de la garde. L’Italie rappela les 1er, 2e et 3e chasseurs à la vie guerrière, et leur dernier titre de gloire est l’admirable mouvement qui termina la bataille de Solferino.

Les faits et les souvenirs que nous venons de rapprocher ont amplement montré ce que valait cette jeune cavalerie. On a vu les succès

  1. Voyez la Revue du 15 mars 1860.