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l’élève, et l’élève docile, de M. Ingres. Il n’entra, à vrai dire, en possession de son talent, en familiarité avec les grandes conditions de l’art, qu’à partir du moment où il accepta cette forte discipline. Bien qu’il eût auparavant reçu les conseils successifs de Dupaty, de Cortot et de Pradier, il ne puisa qu’auprès de son dernier maître la certitude du beau et cette profonde intelligence de l’antique qui deviendra désormais la qualité distinctive, la marque invariable de ses travaux. Ainsi la main savante qui venait de guider M. Flandrin ouvrait une route non moins sûre à des progrès tout différens ; ainsi, à l’honneur d’avoir formé le talent le plus pur que notre école de peinture ait vu naître depuis vingt-cinq ans s’ajoute, pour M. Ingres, l’honneur non moins sérieux, mais plus inattendu peut-être, d’avoir instruit le sculpteur placé au premier rang parmi ceux dont les débuts remontent à la même époque.

Les années que Simart passa en Italie ne mirent pas fin seulement aux hésitations de son esprit ; elles marquent aussi le terme des rudes épreuves imposées longtemps à son courage par la misère et l’isolement. Rien de plus vulgaire assurément, rien de moins imprévu dans la biographie d’un artiste que le récit des difficultés et des détresses qui ont attristé les commencemens de sa carrière. On peut dire toutefois que cette vieille histoire du talent aux prises avec la pauvreté, Simart l’a rajeunie à force de patience dans la douleur et d’énergie dans la lutte. C’est peu pour lui, pendant les dix longues années de son premier séjour à Paris, de se voir condamné aux privations les plus dures, de ne pouvoir compter pour vivre que sur une pension de 300, puis de 400 francs, allouée par Troyes, sa ville natale, et un peu plus tard sur les bienfaits de M. Marcotte. Afin d’économiser la petite somme d’argent nécessaire à ses études, il se résignera sans peine à n’avoir d’autre gîte qu’un grenier où il ne pourra pas même se tenir debout, d’autre nourriture que quelques fruits de rebut, d’autres vêtemens que des lambeaux de drap raccommodés chaque jour et dissimulant tant bien que mal les preuves d’un dénûment plus affligeant encore. Qu’importe après tout cette indigence actuelle, si complète qu’elle soit, à qui se sent riche de ses espérances et de tous les succès futurs ? Simart est en