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se recueille, ni essayer d’attirer des regards humains sur une existence qui ne veut être vue que de Dieu. Qu’il nous soit permis de dire seulement qu’aux pieux regrets qui alimentent cette vie cachée d’autres regrets s’associent, dont l’unanimité même est à la fois un hommage au passé et un symptôme des inquiétudes du présent. Depuis que Simart, victime d’un triste accident, a disparu dans la vigueur de l’âge et du talent, tous ceux que préoccupe l’honneur de notre école ont compris quel noble soldat la mort venait d’enlever à la cause de l’art sérieux, quel vide elle laissait dans des rangs déjà bien éclaircis.

Nous le répétons, aux œuvres de Simart, si habiles qu’elles fussent, il manquait l’autorité tout à fait personnelle, et cette expression de haute franchise qui subjugue l’imagination avant même de persuader l’esprit ; mais son grave et pur talent avait au moins le caractère d’une protestation utile contre les envahissemens d’une facile industrie, contre les petites ambitions et les petites ruses, contre tout ce qui, directement ou non, tend à dénaturer la fonction de l’art ou à le rabaisser au niveau d’un métier. Peu d’artistes de notre temps ont poussé aussi loin que Simart et aussi religieusement gardé le respect du devoir, la conviction et le zèle du bien. Toutefois, sans prétendre remettre en question certaines lois générales imposées, en matière d’esthétique, à toutes les consciences et nécessaires à toutes les doctrines, on peut se demander si le bien tel que le comprenait et le pratiquait le sculpteur de l'Oreste, des bas-reliefs du château de Dampierre et de la crypte des Invalides, est désormais la fin unique des aspirations légitimes, le seul objet des efforts permis. Le talent de Simart nous donne-t-il le dernier mot des conditions qui doivent régir la sculpture moderne, la mesure exacte des franchises qui lui sont laissées, et d’autres talens contemporains de celui-là peuvent-ils, en poursuivant un idéal quelque peu différent, réclamer les mêmes droits à l’estime et les mêmes titres au succès ? C’est ce qu’il reste à examiner.

De tout temps en France, depuis la renaissance jusqu’au siècle où nous sommes, l’étude de l’antique a été tenue en honneur et considérée par les statuaires comme la source d’où découlent les progrès les plus sûrs dans la science du beau. Durant la brillante période qu’inaugurent Michel Colomb, Jean Juste, Pierre Bontemps, bien d’autres excellens artistes encore, et qui, après avoir reçu de Jean Goujon sa consécration définitive, va se clore à peu près avec l’époque où Jacques Sarazin cesse de travailler, les exemples de l’art italien exercent, il est vrai, sur la manière de nos sculpteurs une influence considérable ; mais cette influence n’est pas, à beaucoup près, si absolue qu’elle absorbe l’autorité d’exemples plus dignes de vénération encore. Le style italien et le style antique, conciliés avec