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l’assimilation, cette intelligence passionnée de la beauté grecque que le peintre d'Œdipe possédait déjà au commencement du siècle et qu’il allait achever de manifester, on sait avec quel éclat, dans l’Apothéose d’Homère.

Singulière coïncidence d’ailleurs : tandis que, un peu désabusée des exemples romains et des enseignemens conformes popularisés par David, une partie de l’école française redoublait de zèle pour f antique en vertu de cette désillusion même et s’insurgeait, au nom de Phidias, contre la tradition académique, — un autre groupe d’insurgés beaucoup plus radicaux prétendait faire justice de toutes les traditions, quelles qu’elles fussent, et couper court aussi bien aux tentatives renouvelées de l’art grec qu’aux imitations de l’art romain. On sait ce qui advint de l’entreprise et les progrès entremêlés de beaucoup d’abus que, pour employer le langage du temps, la réaction romantique détermina dans le domaine de la peinture, de la peinture de genre et de paysage principalement. La sculpture à son tour devait ressentir quelque chose de ces agitations et comme le contre-coup de ce mouvement. Sans se faire ouvertement complice d’une doctrine qu’elle n’eût pu embrasser d’ailleurs qu’à la condition de se mutiler elle-même et bientôt de se suicider, elle ne refusa pas toute concession aux exigences de l’esprit nouveau. On put même surprendre çà et là quelques symptômes d’imprudence, quelques témoignages de sympathie trop vive pour les principes qui prévalaient alors dans les œuvres des peintres ; mais en général la réforme tentée ou plutôt acceptée par les sculpteurs n’eut ni les empressemens violens, ni les bruyantes promesses, ni les caprices d’une révolution. Tout se passa sans grand dommage pour l’ordre ; tout se borna à des essais de conciliation entre les partis, à des efforts diversement heureux pour élargir dans l’image du beau la part de la réalité et pour associer au respect traditionnel de l’antique des sentimens plus jeunes, moins élevés quelquefois, mais après tout dignes encore de l’art et de notre école.

Deux artistes remarquablement habiles, Pradier et David d’Angers, personnifient bien ce système de transaction, ces accommodemens entre les lois qui de tout temps ont régi la sculpture française et les innovations qu’elle ne pouvait absolument rejeter sans s’exposer au danger de se voir punie de ses dédains par l’indifférence publique. Le premier, nous le disions en commençant, a eu le tort de pousser bien loin ses avances à la popularité ; mais s’il est juste de réprouver le caractère de certaines intentions, l’agrément suspect de certaines formes du style dans les œuvres de Pradier, il n’y a que justice aussi à louer l’habileté, quelquefois supérieure, avec laquelle le sculpteur de Psyché et de Sapho a su exprimer la grâce sans excès d’abandon, la vie sans exagération pittoresque. Là même où