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près comme un hors-d’œuvre dans le mouvement des idées actuelles, comme un inutile démenti aux humbles inclinations et à quelques faux progrès de notre époque, voilà qui est fâcheux assurément et fort peu excusable en principe. La faute n’en est pas toute à nous cependant, et, dans cette méprise où nous avons le tort de nous complaire, une part de responsabilité peut être attribuée à ceux-là mêmes qui en sont les victimes. On ne saurait blâmer, tant s’en faut, les sculpteurs de prétendre résister à l’esprit d’aventure et de désordre qui travaille l’art contemporain. Ils ont le devoir de défendre à tout prix des principes qui intéressent aussi bien la dignité de leur talent que les conditions mêmes de la statuaire. Il ne faut pas toutefois que les formes de cette résistance laissent soupçonner l’opiniâtreté et le parti-pris là où doivent prévaloir le bon droit et le courage ; il ne faut pas que, de peur de se faire complice des abus, on se dispense de rechercher le progrès. Les sculpteurs aujourd’hui semblent trop facilement disposés à se retrancher dans cette réserve regrettable, dans cette force de volonté négative. Qu’ils se refusent aux concessions imprudentes, rien de mieux, mais qu’ils consentent au moins à s’enquérir de nos besoins, qu’ils ne ferment pas systématiquement les yeux aux signes du temps, ne fût-ce que pour apprécier le péril et pour aviser aux moyens de le conjurer. Quels que soient le nombre et la valeur des talens qui l’honorent encore, notre école de sculpture a en somme une physionomie un peu effacée, parce que, à force de se défier des innovations, elle a trop souvent méconnu les nécessités du présent. Elle s’isole par là de notre école de peinture ou, pour parler plus exactement, de la peinture contemporaine, — ce mot « école » impliquant une idée de communauté dans les tendances et d’analogie dans les travaux qui ne serait ici rien moins que justifiée par les faits. De nos jours la peinture, malgré la diversité des œuvres, aura eu son caractère propre et sa part d’initiative ; elle aura marqué sa place dans l’histoire de l’art par des efforts bien souvent heureux pour marcher plus avant dans une voie déjà ouverte ou pour découvrir quelque route nouvelle. Depuis cet illustre disciple de l’antique et de Raphaël jusqu’à ce vaillant peintre sans maître et sans aïeux qui succombait il y a quelques jours à peine, depuis M. Ingres jusqu’à Decamps, combien d’artistes éminens dont les talens ont perfectionné, rajeuni, transformé quelquefois la peinture française ! Il n’en va pas ainsi de notre sculpture au XIXe siècle. Elle se sera maintenue, non sans honneur, dans la sphère des idées prévues et des études consacrées, gardant en face des agitations et des menaces du dehors une attitude calme, et, pour ainsi parler, le silence de la résignation ; mais elle se sera tue aussi là où il semble que la discussion eût été