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religieuse, qui partout en Asie, comme on le sait, se confond avec la question politique.

Les musulmans sont en majorité, mais ils sont bien loin de faire masse et d’être d’accord entre eux. Il faut d’abord distinguer entre les musulmans à demeure fixe dans les villes ou dans les terres cultivées et les nomades. Ces derniers sont à leur manière de véritables déistes qui professent le plus profond mépris pour les cultivateurs, et surtout pour les gens des villes. Ils pillent les uns sans pitié toutes les fois qu’ils en trouvent l’occasion, et ils ne regardent pas les autres beaucoup mieux que les chrétiens ou les Juifs, et même que les idolâtres. Les mosquées, avec la discipline que les ulémas y ont nécessairement introduite, avec les pratiques qu’elles ont développées autour d’elles, passent presque, aux yeux des enfans du désert, pour des lieux de perdition. Parmi ces étranges philosophes, on peut noter trois groupes distincts : les Arabes ou Bédouins, qui sont peut-être les plus sensibles à l’idée religieuse ; les Turcomans, qui passent pour être fort tièdes ; les Kurdes, qui sont souvent accusés de croire à très peu de chose, et qui en tout cas vivent à l’état de guerre perpétuelle contre les deux autres branches de la population nomade. Celles-ci d’ailleurs n’ont que très peu d’occasions de contact, étant de races et de langues différentes, l’une habitant le nord et l’autre le midi de la province.

Les musulmans des villes et des campagnes détestent les nomades autant qu’ils les craignent ; mais ils ont cependant avec eux un point commun. En effet, nomades et musulmans sédentaires, les Mutualis exceptés, appartiennent tous au rite sunni, au mahométisme occidental. Il en résulte qu’ils sont en lutte constante avec les Mutualis, qui sont shiites, c’est-à-dire qui appartiennent au schisme oriental, et à ce titre font peut-être plus de cas des chrétiens, des Juifs et des Druses que des musulmans sunnites. Cette tribu, à moitié détruite, au commencement du siècle, par le terrible Djezzar-Pacha, compte encore quelque chose comme 40 ou 50,000 âmes. Elle est cantonnée dans la grande vallée qui sépare les deux chaînes du Liban, et elle doit sans doute à cette position, qui lui donne pour voisins beaucoup de non-musulmans, de n’avoir pas été complètement exterminée par ceux que l’on prend assez généralement en Europe pour ses coreligionnaires.

Après les musulmans, ce sont les chrétiens qui sont les plus nombreux en Syrie, 6 ou 800,000 âmes, dit-on. Toutes les églises et même toutes les sectes qu’a enfantées le christianisme sont aujourd’hui représentées en Syrie. Elles sont exclusivement établies dans les villes, dans les ports ou dans la montagne. Ce sont les seuls lieux où elles aient pu, soit être protégées par l’Europe, soit échapper aux conquérans arabes et turcs. Les églises grecque et latine sont