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cependant et à beaucoup près celles qui comptent le plus grand nombre de fidèles, et il n’est sans doute pas besoin d’ajouter qu’elles s’entendent peut-être encore moins entre elles que les musulmans entre eux. Soutenues, l’une par la France depuis que les Maronites se sont réunis au saint-siège, l’autre par la Russie depuis que cette puissance est devenue le plus redoutable voisin de l’empire ottoman, elles sont occupées sans cesse à s’entre-déchirer et à compromettre dans leurs querelles les gouvernemens qui les protègent. La guerre de Crimée, comme on se le rappelle sans doute, est née de leurs discordes ; mais ces discordes n’ont pas fini avec la paix de Paris, et il est peu de courriers du Levant qui ne nous apportent quelque témoignage de l’inimitié qui couve toujours entre les deux églises, et qui se traduit souvent aux jours des grandes fêtes chrétiennes par des rixes et des scènes scandaleuses dans les lieux saints confiés à leur garde.

Les protestans, placés sous l’égide de l’Angleterre et de la Prusse, ne font qu’apparaître, ils sont encore très peu nombreux, mais néanmoins il faut reconnaître que, pour le temps qui s’est écoulé depuis qu’ils ont cherché à prendre pied dans le pays, ils ont fait d’assez grands progrès. Ils sont influens par l’argent dont ils disposent et que les sociétés des missions en Angleterre et en Amérique leur versent à pleines mains. L’argent est en tout pays un moyen d’action puissant ; il l’est surtout au milieu de populations ignorantes et pauvres, pour qui l’entrée dans une église représente la certitude d’une protection politique puissante. Le chiffre des protestans est encore trop peu considérable en Syrie pour qu’ils puissent chercher à y jouer un rôle, mais on voit déjà leur conduite se dessiner sous l’inspiration des deux gouvernemens qui les appuient. En toute occasion, ils s’étudient à observer la neutralité la plus scrupuleuse entre les deux grands antagonistes grec et latin ; ils semblent prétendre à persuader aux autorités turques et aux musulmans du pays qu’ils sont des infidèles d’une autre espèce que ceux qui ont fait passer tant de mauvaises nuits aux pachas et qui vont forcer les populations à rendre compte des derniers crimes. Dans de certaines circonstances, les protestans en Syrie ne craindraient pas, je crois, de manifester une indifférence assez grande pour le reste des chrétiens. Ainsi par exemple, lorsqu’au début de la crise actuelle on a pu croire qu’il s’agissait seulement d’une de ces collisions qui éclatent avec la périodicité la plus régulière entre les Druses et les Maronites, les correspondances que publiaient les journaux anglais étaient uniformément plus favorables aux Druses qu’à leurs adversaires ; c’est seulement quand le mal s’est répandu jusqu’à Damas que les correspondances anglaises se sont mises au diapason général.

La principale force de l’église catholique en Syrie est représentée