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camp de Muley-Ahmet était enlevé et forcé de toutes parts. Il restait le camp de Muley-Abbas et la Tour-Geleli : ce fut le général Henri O’Donnell qui, à la tête d’une division du deuxième corps, se lança à l’assaut de ces positions, et les emporta avec autant de rapidité que d’énergie, de telle sorte que l’armée espagnole se trouvait dès ce moment maîtresse de tout ce champ de bataille, qui, défendu avec plus de science, sinon avec plus de courage, pouvait exiger un véritable siège. Les Arabes vaincus fuyaient de tous côtés, se dispersant précipitamment, se jetant dans les pentes escarpées de la Sierra-Bermeja. Ils laissaient derrière eux un nombre considérable de morts, et entre les mains des Espagnols deux drapeaux, huit canons, des chameaux, des munitions, des effets de guerre de toute espèce et huit cents tentes, dont celles des deux frères de l’empereur. C’était là le butin de la journée.

Un bien autre butin désormais assuré, c’était Tetuan même, qu’on n’avait entrevue jusque-là qu’à travers la poétique et mystérieuse verdure de ses bois d’orangers, et dont l’affaire du 4 février ouvrait les portes. Le général O’Donnell ne perdait pas de temps en effet pour pousser à bout sa victoire. Dès le 5 au matin, il faisait sommer la ville de se rendre. « Vous avez vu, disait-il dans une nette et impérieuse intimation aux habitans de Tetuan, vous avez vu votre armée battue, bien qu’elle eût à sa tête les frères de l’empereur ; vous avez vu ses camps occupés par l’armée espagnole, qui est à vos portes avec tous les moyens nécessaires pour détruire votre ville en quelques heures… Livrez la place, et vous obtiendrez des conditions raisonnables, le respect des personnes, des propriétés, de vos femmes, de vos lois et de vos coutumes. Vous connaissez, les horreurs d’une place bombardée et prise d’assaut ; épargnez-les à Tetuan, sinon vous aurez la responsabilité de la voir convertie en ruines. Je vous donne vingt-quatre heures pour vous décider ; après cela, n’attendez point d’autres conditions que celles qu’imposent la force et la victoire. » Les habitans de Tetuan, surtout les Juifs, ne sont pas guerriers comme les tribus du Riff ou de l’Anghera. Ils étaient placés entre les Espagnols menaçant d’un assaut et les soldats débandés de l’armée de Muley-Abbas, qui ne pouvaient défendre la ville, mais qui la pillaient, la ravageaient, l’ensanglantaient, avant de l’abandonner. Ils préféraient encore subir, en vrais "musulmans, la loi d’un vainqueur discipliné et humain. Aussi quatre parlementaires se présentaient-ils immédiatement au camp d’O’Donnell avec la bannière blanche. L’un de ces parlementaires était un vieillard monté sur une mule, richement vêtu et parlant assez correctement l’espagnol ; il était, dit-on, vice-consul autrichien à Tetuan. Il n’y avait pas à discuter, mais à se rendre à discrétion. On demanda même à