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laquelle il s’est aidé des publications de statistique criminelle et judiciaire faites tant en France qu’en Angleterre. En prenant les travaux de M. Guerry et en y joignant un certain nombre de relevés spéciaux dus à d’habiles statisticiens de la France, de l’Angleterre, de la Belgique et de l’Allemagne, on se trouve en possession d’un ensemble suffisans de documens pour apprécier plusieurs des faits les plus importans de la statistique morale.

Les statisticiens dont je rappelle ici les publications n’ont pas la prétention de pénétrer dans la recherche intime des causes ; ce qu’ils ont simplement constaté, ce sont des coïncidences. Ces coïncidences ne sauraient être fortuites ; elles portent avec elles-mêmes la démonstration qu’elles tiennent à des causes fixes, autrement dit à des causes ayant toujours les mêmes effets. Si ces causes s’accroissent, les effets augmentent ; si elles diminuent ou disparaissent, les actions qu’elles engendrent ne se rencontrent plus. Le principe de la causalité apparaît alors dans toute sa force et toute son évidence, et l’utilité qu’on peut retirer des indications statistiques, c’est qu’elles rendent manifeste la permanence de certaines causes que vainement on avait cru conjurer, qu’elles nous montrent parmi les moyens de répression ou d’amélioration ceux qui sont efficaces et ceux dont on n’a pu tirer aucun parti, qu’elles nous font enfin découvrir certaines tendances qui autrement nous auraient échappé.

Les causes qui agissent sur les actes humains sont de trois ordres : les causes physiques, — les causes physiologiques, — les causes purement sociales, c’est-à-dire qui tiennent aux relations des individus entre eux.

Les premières sont presque toujours supérieures à nos moyens d’action ; nous ne pouvons pas les modifier, et il nous est seulement possible de nous y soustraire, soit par un genre de vie spécial, soit en nous transportant en des lieux où elles n’agissent pas, où elles agissent à un moindre degré. Tels sont par exemple les effets de la température. La chaleur agit moralement sur nous ; elle allumé certaines passions, elle porte à la colère et aux plaisirs des sens. Tout le monde sait que les habitans des contrées méridionales ont le caractère plus bouillant, les sentimens plus impétueux, de même que dans les pays dont l’air est très sec, comme les États-Unis, l’irritabilité devient excessive. La paresse, le goût des liqueurs fortes dépendent également du climat, et comme l’année, par ses variations de température et ses changemens de saison, modifie les conditions climatologiques, on comprend que les passions doivent en moyenne se faire inégalement sentir suivant l’époque de l’année. Quoi qu’on fasse pour les combattre, et quand bien même l’on réussit par l’éducation à en atténuer les effets, la répartition devra toujours obéir aux influences météorologiques, et l’on retrouvera nécessairement