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conséquences. C’est donc dans cet esprit que nous allons examiner ce nouvel ordre de choses, inauguré par l’entrée des Piémontais dans les états pontificaux, d’abord au point de vue de l’Italie, et ensuite au point de vue de l’Europe.

Le Piémont a prononcé le grand mot révolutionnaire : alea jacta est. Il sort des ambiguïtés et des équivoques, il proclame la politique de l’unité de l’Italie ; il ne lui sera plus permis de reculer. Aujourd’hui il envahit les États-Romains. Maître des États-Romains, il sera, dans un terme plus ou moins prochain, contraint d’entreprendre la conquête de la Vénétie et d’attaquer l’Autriche. Il marche à cette guerre, et les malheurs de la guerre peuvent seuls le faire reculer. Des incidens peuvent traverser cette direction de la politique piémontaise, en retarder où en hâter le cours ; n’importe : la grande partie est commencée, et c’est dans ces termes qu’il faut se préparer à en embrasser les chances, à en juger les coups.

On nous dispensera de dire longuement notre opinion sur le procédé du Piémont envers le pape : ce qu’il a de blâmable au point de vue des notions acceptées du droit des gens frappe trop les yeux. Le prétexte de l’invasion des états pontificaux, si on le veut prendre à la lettre, viole les principes de la souveraineté et du droit international. De quel droit, si le pape est souverain, vient-on l’interpeller sur la composition de son armée ? C’est l’ultimatum que l’Autriche lui envoya l’année dernière, et qu’il repoussa avec le concours de la France, que le roi Victor-Emmanuel renvoie aujourd’hui au pape. L’Autriche sommait alors le Piémont de dissoudre ses corps de volontaires ; le Piémont somme aujourd’hui le pape de dissoudre les siens. Encore y a-t-il cette différence, que les volontaires du Piémont étaient notoirement enrôlés pour attaquer l’Autriche, tandis que les volontaires des états de l’église sont réunis pour un objet purement défensif. Ce qui rend la prétention formelle du Piémont plus choquante, c’est le moment où elle se produit. C’est un crime au pape d’être défendu par des étrangers, lorsqu’il est glorieux à Garibaldi de faire recruter en Angleterre des excursionistes pour ses trains de plaisir à raison de 2 francs par jour, et lorsque ses camps regorgent d’amateurs de guerre et de révolutionnaires venus de tous les points du monde ! Des récriminations comme celles de la proclamation piémontaise contre l’armée pontificale ne se discutent pas : c’est l’éternel réquisitoire du loup contre l’agneau, lequel n’a d’autre sanction que la raison du plus fort.

Nous n’aborderons pas davantage la grande question du pouvoir temporel des papes. Le pouvoir temporel, à tort ou à raison, a jusqu’à présent été jugé nécessaire par les états catholiques du monde. Il touchait, à leurs yeux, aux intérêts mêmes de leur organisation politique intérieure, puisqu’il était la garantie de l’indépendance et de la neutralité du pouvoir spirituel que le pape exerce chez les nations catholiques. La question ne serait grave, au point de vue pratique, que si les états catholiques conservaient