Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/498

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contraire ; mais l’on verra s’il est possible de refaire l’Italie divisée et de la gouverner malgré elle. On verra la vitalité révolutionnaire que nourrira en nous le souvenir da mouvement de 1860. Nous ferons un dernier effort, et celui-là sera irrésistible — On doit reconnaître qu’il y a en effet une singulière puissance dans cette obstination qui se fortifie même en évoquant la perspective des extrémités les plus désespérées. Pour se représenter un retour de l’Italie aux conditions dont elle s’est affranchie, il faut imaginer une de ces diversions énormes qui noient les destinées d’un peuple dans un bouleversement universel, et lui font perdre la mémoire.

Ce serait trop se hâter que de chercher à deviner l’influence que la nouvelle évolution de la politique italienne exercera sur la politique de l’Europe. Il n’y a pourtant pas de témérité à prédire que les nouveaux événemens de la péninsule ne sont pas faits pour guérir l’opinion en Europe de cette étrange maladie de défiance anxieuse dont elle est depuis si longtemps travaillée Du côté des gouvernemens, il est manifeste que l’œuvre de Bade et de Tœplitz se poursuit. Les gouvernemens s’attendent à un choc prochain et se préparent à le soutenir. La réconciliation de l’Autriche et de la Russie est un symptôme caractéristique de cette soucieuse prévoyance », Voilà donc que l’alliance des trois cours du Nord, que nous avions habilement rompue en 1854, est en train de se reformer, et qu’un des succès les plus signalés de notre politique étrangère va s’effaçant. Les blessures qu’a reçues dernièrement l’alliance anglo-française rendent plus sensible l’effet de ce nouveau travail des alliances entre les grandes puissances continentales. Il est fâcheux que ce soit à un pareil moment que nous soyons obligés de rappeler notre ministre à Turin et de témoigner notre mécontentement à un allié dont nous avons nous-mêmes créé la jeune puissance. Si l’on ajoute que nous avons moins à nous louer des dispositions populaires dans les grands états de l’Europe, que de l’attitude des cabinets, les esprits clairvoyans seront d’accord pour recommander avec dignité la prudence à notre gouvernement ou pour le soutenir dans les intentions modérées qu’il manifeste. Il y a une grande exagération dans ces fantômes de coalition défensive que l’opinion inquiète soulève devant elle. Il n’y a point de coalition, même défensive, préparée contre nous : il y aurait dans de telles combinaisons. une témérité provocante, à laquelle personne, croyons-nous, n’a en Europe l’idée, le goût ou le courage de. s’abandonner. Tout le monde veut la paix avec la France ; mais, au milieu d’une situation qui semble pouvoir donner à tout moment naissance à des incidens graves, nous demanderons la permission d’exprimer encore une fois le regret que nous éprouvons à voir les dislocations qu’a subies l’ancien concert européen, et surtout les atteintes qu’a reçues l’ancienne entente cordiale. Le malaise qu’inspirent les préoccupations de la politique extérieure disparaîtra sans doute ; mais il faut, pour rétablir la confiance d’autrefois, du temps d’abord et une vigilante sagesse.

Une des nations du continent qui sont le plus affectées de ces malveillantes défiances qu’on voudrait voir cesser enfin, c’est le peuple germani-