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ne s’en montrassent reconnaissans comme si j’eusse fait pour eux ce que j’avais fait pour moi.

Après ces agitations, j’avais besoin d’un peu de repos ; je séjournai à Zurich le 13 et repartis pour Soleure le 14 au matin, après avoir déjeuné avec M. et Mme de Laharpe, qui croyaient mes tribulations finies, lorsque de bien plus fortes m’attendaient.

Revenu le soir à Aarau, j’envoyai de nouveau chez M. Ringer ; il eut l’extrême prévenance de ne pas attendre ma visite et de venir lui-même me trouver. J’eus avec lui un entretien de près d’une heure ; nous parlâmes à cœur ouvert, comme si nous eussions été d’anciennes connaissances. Je reconnus en lui un Suisse de la bonne roche, et pour tout dire un digne ami de mes amis.

Mon passeport français m’avait servi pour rentrer à Zurich et pour en sortir ; il me servit encore pour rentrer à Soleure, où mon passeport allemand m’attendait. M. Monod l’avait reçu et me le remit le 15, à mon arrivée. Ni les frais du courrier qui l’avait apporté, ni ceux de ma course à Zurich, ni le retard de cinq jours que cette course mettait dans mon voyage, ne lui parurent perdus ; tout ce qu’il avait vu et entendu pendant mon absence lui persuadait toujours que j’avais bien fait de m’absenter. Le dîner de l’état-major finissait quand je descendis à l’auberge ; pendant qu’on préparait le mien, M. Monod me présenta à son colonel, M. de Guiguer ; cet officier m’accueillit avec beaucoup de politesse, et dans quelques momens de conversation que j’eus avec lui vers le soir, il me parut penser sensément et noblement.

Il n’était que quatre heures quand j’eus dîné ; il faisait chaud et le plus beau temps du monde. J’allai d’abord voir la grande église, qui était en face de l’auberge, et dédiée à saint Ours et à saint Victor. Elle passait pour la plus belle de la Suisse. La façade, ornée de colonnes, de pilastres corinthiens et de statues ; les vastes degrés par où l’on y montait, divisés en trois étages de onze ou douze marches chacun ; les deux fontaines jaillissantes placées en avant des deux côtés et surmontées de deux statues, sans doute celles des deux patrons, formaient un ensemble imposant et d’un bel effet. L’intérieur y répondait. Le maître-autel, les autels des deux branches de la croix, ceux des six chapelles latérales, étaient peut-être un peu chargés d’ornemens, mais fort riches et décorés de tableaux d’un très bon style. L’orgue, qui était magnifique, remplissait tout le bas de l’église, et était placé sur une tribune demi-circulaire soutenue par des colonnes d’une belle proportion. J’avais écrit au crayon les sujets des tableaux et quelques autres détails ; on se passera fort bien de les trouver ici, et je me passerai bien aussi de les y mettre. J’ai hâte d’arriver à des objets d’un tout autre intérêt pour moi. Il faut