Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/598

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
INDUSTRIELS ET INVENTEURS

CHRISTOPHE OBERKAMPF

Dans le courant de l’année 1757, le conseil du commerce en France se trouva saisi d’une question dont la solution, toute naturelle qu’elle semble aujourd’hui, devait pourtant faire de nombreux mécontens. Il s’agissait de lever ou de maintenir l’interdiction qui frappait alors dans notre pays la fabrication des toiles peintes. Le goût de ces étoffes s’était promptement répandu et tendait constamment à s’accroître. L’exemple était venu de haut. C’était en plein Versailles que les dames de la cour avaient les premières adopté les tissus prohibés. La petite noblesse et la bourgeoisie s’étaient empressées d’accueillir une mode née en si bon lieu, et quelques grisettes se permettaient à leur tour de la suivre, au grand scandale des fabricans de Rouen, indignés de voir des femmes du peuple abandonner pour des produits étrangers l’honnête siamoise et les autres étoffes indigènes.

Les idées de protection et de restriction étaient toutes-puissantes à cette époque, et, dans l’intérêt des industries privilégiées, on s’était obstiné jusqu’alors à interdire l’impression des toiles à l’intérieur, en même temps qu’on redoublait de rigueur à la frontière pour arrêter l’invasion des produits étrangère. Par suite de ces mesures, plus de 20 millions de francs sortaient annuellement du royaume, au profit des manufactures de la Suisse, de l’Angleterre et de l’Allemagne, et ce chiffre menaçait encore de s’accroître. La contrebande se chargeait, malgré tous les obstacles, d’approvisionner le marché français. Et certes il n’y avait point à s’en prendre à