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uvres. Nous trouvons dans des lettres intimes datées de 1789 la preuve de son adhésion aux idées nouvelles. Depuis deux ans, il s’était remarié ; il avait épousé Mlle Massieu, fille d’un de ses correspondans de Normandie, et il avait recouvré dans cette seconde union tout le bonheur dont il avait si cruellement ressenti la perte. On trouve dans quelques lettres écrites à sa femme pendant un séjour de celle-ci dans sa famille les passages suivans :


« Jouy, 21 mai 1789.

«… J’ai eu à dîner hier MM. les députés du tiers de Caen ; aujourd’hui j’aurai ceux de Carcassonne. La semaine dernière, j’ai eu ceux du clergé de Villefranche en Beaujolais, parce que le curé de cette ville est mon ami depuis vingt-trois ans et celui du curé de Jouy. Je vais avoir ceux du Dauphiné. Tout cela se passerait mieux, si tu présidais ici… »

« Jouy, le 12 juin.

« Je vais souvent aux états-généraux, depuis neuf heures jusqu’à deux, pour entendre nos orateurs. Le nombre de ceux qui sont remarquables est très grand. Je trouve cela infiniment plus intéressant que les plus beaux opéras, et je les entends avec beaucoup de plaisir. Il y a tous les jours deux mille spectateurs, et il faut être là de bonne heure pour avoir de bonnes places… »

« Jouy, le 9 juillet.

«… Hier à cinq heures du soir est venu à Jouy un ordre pour recevoir cinq cents hommes de troupes : on a payé tout de suite au boulanger le pain qu’il devait fournir ; mais, Dieu merci ! à minuit est arrivé un contre-ordre. Tous les villages des environs de Paris et de Versailles sont remplis de soldats. Cela donne beaucoup d’inquiétude à l’assemblée nationale… »


Ces courts extraits suffisent pour faire voir que son cœur était ouvert aux espérances des amis de la liberté, et aussi aux craintes que leur inspirait la conduite ambiguë de la cour. Et comme il était de ceux qui traduisent leurs sentimens en actions, il versa la somme de 50,000 livres à la souscription nationale ouverte à cette époque : « Il importe à mes intérêts, écrivait-il à M. Demaraise, que je paie le montant de ma soumission à la municipalité de Jouy, où est mon domicile réel. Sans cette raison, j’aurais déjà fait faire ma soumission à l’assemblée nationale même, car je crois devoir plus qu’un autre, puisque je dois toute ma fortune à la France. » On voit quels étaient ses sentimens pour le pays. À son tour, le pays allait montrer, par l’organe d’un des corps récemment institués, le haut prix qu’il attachait au mérite et aux services de ce citoyen d’adoption. L’organisation des conseils-généraux des départemens date de 1790. Dès ses premières séances, le conseil-général de Seine-et-Oise voulut rendre un éclatant hommage à Oberkampf. Il ne s’agissait