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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/632

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chaque jour sur vingt autres points de l’empire ottoman. Les scènes révoltantes dont la Syrie vient d’être le théâtre ne sont pas en effet un incident purement local, elles sont malheureusement l’un des symptômes d’un état général qui s’est révélé l’année dernière à Djeddah, qui vient de se manifester aujourd’hui à Damas, qui ensanglantera peut-être demain la Bosnie, ou le Monténégro, ou encore quelque autre partie des états turcs. À moins d’un miracle que rien n’autorise à prévoir, je tiens le mal pour incurable ; aussi n’ai-je pas la prétention de chercher à le guérir. Je crois seulement que si l’Orient n’est pas capable de se sauver lui-même, ni de nous épargner les conséquences que doivent produire ses révolutions, l’Europe cependant n’est pas réduite à la triste condition de voir venir ces conséquences sans essayer de détourner les unes et d’amoindrir les autres. J’espère et je crois que si elle veut bien s’aider elle-même, elle peut beaucoup faire pour diminuer les dangers qui la menacent du côté de l’Orient. Il faut qu’elle prenne son parti de ne pouvoir ni les dissiper absolument, ni les ajourner à une époque indéfinie, car il faudrait pour cela le rajeunissement impossible de l’empire ottoman ; mais ne serait-ce rien que d’amortir les intrigues qui minent ce sol épuisé ? Ne serait-ce rien que de créer une situation de laquelle on n’aurait pas à craindre le retour de guerres semblables à celle de Crimée, des guerres qui mûrissent peut-être la question, mais qui ne la résolvent pas et la laissent toujours pendante sur les têtes des peuples européens ? Borner là son ambition, c’est sans doute être bien modeste au gré des esprits qui ont une plus grande confiance que moi dans la sagesse humaine ; je crois cependant que c’est là tout ce que comporte la situation et tout ce qu’il convient aujourd’hui, d’essayer de lui faire produire. Lui demander davantage serait poursuivre une chimère.

Ce n’est donc pas une solution proprement dite, ni encore moins un remède souverain que je viens proposer pour l’Orient malade, c’est simplement un moyen d’amoindrir les dangers que son état nous réserve. Je ne chercherai pas non plus à revendiquer en ma faveur la priorité de l’invention pour les idées qui vont être exposées. J’ai au contraire quelque plaisir à voir les hypothèses que j’avais moi-même conçues depuis longtemps déjà naître spontanément dans quelques pays étrangers. Si ce qui, m’avait semblé être le plus conforme aux intérêts réels et raisonnables de la France peut être aussi agité en Angleterre comme ce qui est le plus conforme aux intérêts du peuple anglais, c’est un exemple précieux, et qui prouve que les gouvernemens, s’ils le voulaient bien, pourraient s’entendre plus facilement qu’on ne dit pour maintenir la paix générale, en essayant de résoudre une à une les difficultés secondaires,