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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/656

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les causes de la guerre de Crimée n’a pas pu être éclairé, tandis qu’il aurait pu l’être, et qu’il eût accepté une décision de l’Europe avec bien moins de froissement qu’il ne le pouvait faire dans une condition qui ne lui laissait pas d’autre alternative que de paraître céder au seul ascendant de la France catholique.

Quel autre instrument mieux qu’une conférence peut dénouer à l’avantage de tous les difficultés de la question syrienne ? quel autre est capable de faire en sorte que les branches qui tombent tour à tour du vieil arbre des Ottomans ne se changent pas en autant de torches de discorde ? quel autre peut aussi bien leur donner une greffe nouvelle, préparer et assurer le terrain pour leur transplantation, résoudre les épineuses questions de politique ou de droit international que soulèvent les opérations de ce genre, et que l’Europe n’évitera pas, parce qu’il ne dépend pas d’elle de remédier à la décadence de l’empire des Turcs ?

Les fonctions de la nouvelle conférence ne seraient pas des sinécures. Aujourd’hui elle aurait à pourvoir aux affaires de Syrie et d’Arabie, demain à celles de Servie et du Monténégro, sous lesquelles se cachent des mystères qu’elle seule pourrait dévoiler, et rendre impuissans pour le mal, tout cela sans préjudice de l’avenir et de ce qui est à craindre en Bosnie et en Bulgarie, où il paraît qu’il y a aussi des causes de désordre qui sont à l’œuvre. La nouvelle conférence aurait encore à connaître de ces contestations délicates où les puissances européennes sont engagées entre elles, tout en ayant l’air de n’avoir affaire qu’à la Porte, laquelle n’en peut mais et est toujours jetée dans les plus grandes perplexités par les tiraillemens en sens contraires que lui font subir ses alliés. Ainsi on pourrait porter devant le conseil de l’Europe rassemblé la question encore pendante de l’isthme de Suez, et il faudrait bien dire enfin au monde les véritables motifs qui en retardent la solution. L’orgueil anglais n’a pas encore voulu les avouer, mais il serait bien forcé de le faire, et en attendant, puisque personne ni d’un côté ni de l’autre n’a voulu confesser la vérité, il me sera peut-être permis de dire ce que je crois qu’elle est.

L’opposition de lord Palmerston et de tous les ministères anglais à ce projet ne vient pas, comme on l’entend affirmer très souvent, d’un égoïsme qui serait aussi niais que condamnable, et qui se proposerait pour unique but d’empêcher le commerce des autres nations de se développer du côté de la mer des Indes. L’Angleterre et ses hommes d’état sont beaucoup trop éclairés pour ne pas savoir que si le percement de l’isthme de Suez doit produire quelques bénéfices pour le commerce, ce sont surtout le commerce anglais, la marine marchande anglaise, qui recueilleront ces bénéfices. S’il n’y avait que ce côté à voir dans la question, il y a longtemps que les Anglais