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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/733

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sol, à montrer les limites étendues entre lesquelles peut s’exercer le pouvoir de l’homme pour accroître cette production, nous nous sommes efforcé d’abord de bien définir la nutrition végétale. Cette définition même ne pouvait reposer sur une base plus certaine que la composition générale des végétaux, car évidemment il faut que le sol renferme en élémens assimilables tout ce qui, devant entrer dans cette composition, ne se trouverait pas spontanément fourni par les gaz, vapeurs ou corpuscules de l’atmosphère ambiante. On a pu reconnaître que, dans tous les organismes les plus jeunes et doués des plus actives fonctions vitales, les substances contenues dans les cellules à très minces parois présentaient toujours une composition analogue à celle des substances animales. De là cette donnée acquise à la science, que la base de l’alimentation des plantes se rencontre dans tous les détritus des animaux, et que la fonction providentielle de la végétation est de faire disparaître, en se les assimilant, tous les produits infects, aériformes ou liquides, qui autrement eussent à la longue rendu l’atmosphère insalubre. Or cet agent de la nutrition végétale fourni par les détritus des animaux est celui dont l’agriculteur doit surtout se préoccuper, car tout le surplus, destiné principalement à former le tissu des plantes et la masse relativement énorme de leur charpente ligneuse, est naturellement fourni, soit par le gaz acide carbonique, universellement répandu en doses sensiblement constantes dans l’air atmosphérique sans cesse agité, soit par le même gaz exhalé sans cesse de la décomposition des détritus végétaux presque toujours surabondans sur les terres cultivées. Tandis que la chimie agricole faisait ces importantes découvertes, la géologie indiquait les moyens de reprendre aux plus anciennes formations de la croûte terrestre les élémens d’une vie remontant bien au-delà de l’apparition des hommes, pour faire servir ces élémens, devenus minéraux, à l’alimentation des plantes et aux développement de tous les êtres. En ce moment même, de grandes exploitations manufacturières ont pour but de livrer, comme agens économiques de la production agricole, les principes de la vie éteinte depuis des milliers de siècles dans des êtres à jamais disparus de la surface du globe, où ils ne retrouveraient plus les conditions de leur ancienne existence. Et ces élémens empruntés aux âges les plus reculés vont s’engager dans une vie nouvelle en entrant dans la composition des êtres vivans, qui n’auraient pu, de leur côté, vivre à ces époques lointaines. L’étude des engrais nous a mis ainsi sur la voie des plus graves problèmes de physiologie végétale et de géologie, et les mêmes élémens d’intérêt se retrouvent au même point de vue dans les autres agens de la production agricole.

Payen, de l’institut.