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protestantes ou séparées de Rome, que ces puissances n’ont pas été celles qui ont donné le concours le moins efficace à la constitution des états de l’église, puisqu’au congrès de Vienne les réclamations du cardinal Consalvi trouvaient plus d’appui auprès des plénipotentiaires anglais que chez les représentans de l’Autriche, et qu’il n’était pas permis d’exclure ces puissances de la délibération des intérêts actuels de la papauté. À la proposition d’un congrès exclusivement catholique faite par l’Espagne, il convenait donc de substituer un projet plus large, celui du congrès général des grandes puissances. Cette idée d’un congrès a dû être sérieusement conçue, puisqu’elle apparaît dans l’article publié aujourd’hui par le Moniteur. La perspective de ce congrès hypothétique est bien vague encore sans doute ; elle est lointaine peut-être : elle est ouverte pourtant, et c’est une première limite indiquée à l’entreprise du Piémont sur les États-Romains.

Les affaires d’Italie, dans leur phase présente, engagent trop directement les droits et les intérêts, la loyauté et la dignité de la France, pour qu’il nous fût possible de les aborder d’un autre point de vue que le point de vue français. Nous nous plaçons volontiers d’ordinaire dans le courant des sentimens italiens et dans les données de la logique italienne pour apprécier la marche des idées et des faits dans la péninsule ; mais cette fois les Italiens nous ont mis eux-mêmes dans la nécessité de pratiquer la charité bien entendue. Nous nous sommes assez plaints, depuis trois mois, de l’inertie avec laquelle tout le monde assistait au progrès des événemens dans les Deux-Siciles. Chacun, sauf Garibaldi, semblait être engourdi de la contagieuse indolence napolitaine. Le moment de la réaction semble arrivé. Le Piémont, après avoir tant pratiqué le laisser-faire, a été obligé enfin de prendre des résolutions violentes et d’agir. La France a observé de son côté une réserve patiente et systématique qui pourrait bien aussi toucher au terme, Enfin le roi de Naples lui-même signale, par une résistance inattendue et par de petits succès partiels encore plus imprévus, les derniers jours de son règne. Nous avons toujours dit que nous n’opposions, quant à nous, aucune objection fondamentale à l’unité de l’Italie ; nous avons toujours souhaité que l’unification, si elle doit s’accomplir, fût une œuvre délibérée et mûrie, et non l’improvisation d’une passion éphémère. L’état de choses qui a contraint le Piémont à tenter son coup d’audace contre la papauté n’est pas de nature à réfuter les conseils de modération et de patience que nous adressions aux Italiens. N’est-il pas étrange que les divisions des partis et les déchiremens personnels, n’aient pu se contenir et se dissimuler jusqu’à l’accomplissement de l’unité ? La lutte qui a éclaté entre Garibaldi et M. de Cavour est-elle un présage encourageant pour l’œuvre de l’unification ? Los Italiens renoncent, ils le disent avec une sincérité que nous ne mettons pas en doute, à leurs anciennes rivalités municipales, et déjà ils portent leurs vieilles et ardentes passions dans l’antagonisme des conduites politiques. Si M. de Cavour réussit à organiser un parti conservateur, ne voit-on pas déjà