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nationale comme débouché, au commerce par les commissions et les bénéfices de vente, à la navigation par le fret, aux capitaux par leur renouvellement à court terme, à la patrie enfin par l’emploi d’une fraction importante de la marine marchande, pépinière de la marine de l’état.

Sous le rapport militaire, la sécurité ne serait pas non plus très coûteuse à obtenir. On a vu de quelles ressources nautiques la nature a doté les rivages de la Martinique et de la Guadeloupe : deux magnifiques ports, asiles inviolables des flottes, et nombre de mouillages secondaires qui peuvent servir de refuges à des navires désemparés par le combat ou les tempêtes. On doit y ajouter, dans la région du vent, une ceinture de récifs madréporiques coupés par d’étroites et dangereuses passes. Ces avantages furent appréciés à leur valeur dans les guerres dont la mer des Antilles a été le théâtre, et les escadres françaises leur durent plus d’une fois une partie de leur force d’attaque et de leur salut. À terre, un pays montueux et boisé s’oppose au mouvement des troupes et au transport de l’artillerie ; des batteries et des fortifications protègent les principales places : toutes les conditions matérielles d’une longue et solide résistance sont réunies. Il manque, il est vrai, un bassin de radoub ; mais on a vu que l’on satisfera à ce besoin, et la même prévoyance s’appliquera sans doute à un approvisionnement en armes, en vivres, en agrès, qui ont fait si grand défaut à nos flottes à des époques de douloureuse mémoire. Nos arsenaux étaient vides, ou plutôt il n’en existait pas dans nos colonies, tandis qu’à la Barbade, à Antigue, à la Jamaïque, les arsenaux anglais étaient pleins. Il y aurait aussi quelque chose à faire aux Saintes, jadis nommées le Gibraltar des Antilles, dont les fortifications furent démolies par les Anglais durant les guerres de la révolution.

L’histoire témoigne que ces groupes d’îles, où notre drapeau flotte encore, n’échappèrent à nos mains que dans des circonstances où l’ennemi était servi par la désaffection des habitans, par l’excès des privations matérielles et morales dues au régime prohibitif, par le contre-coup des révolutions de France qui allumaient la guerre civile entre les royalistes et les républicains, entre les villes et les campagnes, entre les deux îles, entre les villes principales de chaque île. Les colonies se livrèrent plutôt qu’elles ne furent prises. À d’autres époques, elles repoussèrent vaillamment des forces bien supérieures. L’audace de leurs corsaires, de ceux de la Guadeloupe surtout, remplit les plus belles pages de la marine coloniale ; ils furent les intrépides auxiliaires des amiraux et des gouverneurs.

A défaut de la course, que le dernier traité de Paris a rayée du droit maritime de l’Europe, d’autres forces se préparent dans nos