Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/78

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ta plus largement le principe de l’unité nationale et de la représentation locale en admettant au pouvoir législatif les députés des colonies, dont les deux empires et les deux monarchies intermédiaires n’ont pas voulu. Aujourd’hui un comité consultatif, institué auprès du ministre spécial et composé de délégués, les uns nommés par le gouvernement, les autres par les conseils-généraux, est la seule représentation des intérêts coloniaux en France : représentation évidemment insuffisante.

Ces oscillations attestent une grande incertitude sur le caractère politique des colonies françaises : on voit leurs rapports avec la métropole soumis tour à tour à l’influence de deux systèmes qui ne semblent ni l’un ni l’autre leur être absolument applicables pour le moment. L’un, qui a prévalu en Angleterre, voit dans les colonies des images abrégées de la métropole, des filles de son génie créateur, qui portent à travers le monde l’amour et la pratique des institutions britanniques. La couronne les dote, lorsqu’elle n’a aucune inquiétude sur leur fidélité, d’un gouverneur et d’un parlement avec deux chambres, réduit à un simple conseil législatif, quand la faible importance de la colonie ne justifie pas tant de solennité. Ainsi constituées, ces colonies jouissent d’une grande liberté de, législation et d’administration intérieures, sans cesser d’être soumises à la souveraineté de la métropole : provinces à l’origine, elles peuvent, en grandissant, aspirer avec quelque chance au rôle d’états indépendans. Le Canada, l’Australie, le Cap et la Jamaïque suivent cette pente, qui n’inquiète pas les hommes d’état de la Grande-Bretagne, bien certains qu’aucune de ces possessions ne pourra échapper à la couronne. Même dans la perspective, bien peu probable, d’une rupture politique, ils se consolent par l’honneur qui revient à la famille britannique d’avoir multiplié sur tous les points du globe des messagers, de sa langue, de ses mœurs, de son culte, des consommateurs de ses marchandises. Assurément il y a de la grandeur dans cette manière, qui était celle de la Grèce antique, de comprendre la fondation et la destinée des colonies.

Dans l’autre système, qui fut celui de Rome, les établissemens coloniaux sont des acquisitions extérieures et lointaines annexées au territoire national par la politique ou la guerre, et qui doivent entrer d’âge en âge en union plus intime avec la métropole par la communauté des idées et des sentimens, des mœurs et des intérêts. L’assimilation progressive en vue de l’union finale est le principe suprême de cette doctrine, tandis que dans l’autre l’assimilation générale, au risque, de l’indépendance locale, en est l’idéal. Dans celle-ci, la métropole établit au loin ses enfans, qui se détachent de la famille ; dans l’autre, la grande famille nationale adopte tous ceux