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très difficile à maintenir la séquestration de l’Italie, condition essentielle de la vieille organisation de la papauté. Ces quatre faits sont l’importance prise par le principe des nationalités, — la prépondérance exclusive que les grands états se sont arrogée, — la profonde transformation subie par la papauté elle-même, — la révolution qui, sans distinction de secte, s’est opérée dans le sentiment religieux.

On peut trouver de l’exagération dans les applications diverses que notre siècle tend à faire du droit des nationalités ; mais il est certain que le principe des divisions territoriales fondées sur la nature même ou le besoin des peuples tend à se substituer aux divisions fondées sur la convenance des princes, Or la grandeur de la papauté est justement d’être en dehors et au-dessus des nationalités, d’être une machine universelle, d’exiger par conséquent le sacrifice de la nationalité dont elle occupe le sol. Si le pape est Italien, il ne sera pas catholique ; s’il est catholique, il ne sera pas Italien. L’histoire est ici d’une logique inflexible ; elle nous montre, avec une évidence qui ne peut échapper qu’aux esprits étrangers à toute vue générale, la papauté opposant, depuis le temps des Lombards, un obstacle infranchissable à la formation d’un royaume d’Italie. Je ne veux tenir ici aucun compte d’événemens contemporains dont le caractère est encore tout à fait indécis, et dont les conséquences immédiates ne se laissent pas entrevoir, C’est la gloire de l’église romaine de mépriser les orages qui passent : j’admettrai donc, si l’on veut, que la tentative d’une nationalité italienne, même sous sa forme la plus mitigée, est destinée à une série de défaites, et que dix fois encore Pierre, fort de l’appui de la catholicité, marchera sur l’aspic et le basilic ; mais ce que je vois clairement, c’est que chacune de ces victoires lui sera fatale, que chacune d’elles creuse un gouffre où le Vatican s’abîmera, car les peuples ne meurent pas, et les institutions meurent : les institutions périssent par leurs victoires, et les peuples triomphent par leurs défaites. Un duel à outrance est engagé, où l’un des combattans, quoique le plus faible et sans cesse terrassé, ne peut pas mourir. La conséquence inévitable, c’est que l’autre meure. Chaque effort pour étouffer son ennemi coûte à la papauté des engagemens, des compromis, des pactes avec la terre qui lui seront funestes à la longue, et lui enlèveront jusqu’à la dernière parcelle de cette indépendance qu’elle prétendait fonder sur la possession d’une petite principauté.

Ici s’élève contre la papauté temporelle une difficulté bien plus forte que celle qui résulte du réveil des nationalités. L’indépendance papale a été assez bien garantie par sa souveraineté de trois ou quatre millions d’hommes à l’époque où les petits états étaient encore quelque chose. Quand la république de Venise était en Europe une puissance fort respectée et résistait au roi de France, le