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leur échoit, ils la réforment. Tels sont ces fondateurs que l’antiquité divinise. Ainsi le sens commun n’exclut rien ; il admet à la fois la lutte, le concours et l’harmonie. Toutefois n’oublions pas en principe que ce qu’il y a de plus sacré, c’est le droit de l’individu, et qu’au témoignage de l’histoire, le danger d’usurpation est du côté de la raison d’état.

Toute formation de la société politique, toute naissance de l’état, toute création de gouvernement est une certaine centralisation ; le mot est nouveau, mais désigne le développement et le dernier progrès d’une très vieille chose. La centralisation est le mouvement par lequel se constitue la force publique. Ce mouvement peut s’arrêter à divers degrés. La société peut être un ensemble de centres de systèmes particuliers qui gravitent vers le centre du système général. La force publique peut compter un plus ou moins grand nombre d’attributions. Lorsqu’on suppose qu’elle a au centre des centres le plus grand nombre d’attributions possible, on dit éminemment qu’il y a centralisation ; mais il est évident que le degré de centralisation est variable : c’est une quantité qui oscille entre deux extrêmes. Il est d’usage de dire qu’elle est à son maximum en France, à son minimum dans l’Amérique du Nord : l’une est une monarchie unitaire, essentiellement administrative ; l’autre est une fédération républicaine.

Cette dernière forme de gouvernement n’a pas les bonnes grâces d’un écrivain qui, en protestant qu’il ne soutient pas la monarchie, n’a que du mal à dire des républiques. Il prodigue les dédains aux États-Unis, à la Suisse, et, le croirait-on ? à la Hollande, accusée d’être de ces pays qui n’ont ni ordre, ni justice, ni paix, ni lien social. S’il s’agissait de défendre les états où le pouvoir municipal s’était saisi du pouvoir politique, les souvenirs reconnaissans qu’a laissés, presque partout où il a subsisté, le règne de ces municipalités puissantes répondraient à de tardives censures. Quant aux confédérations, il me semble que la Suisse n’a pas jusqu’ici trop mal préservé son indépendance et son caractère, et si elle n’a pas l’influence d’un grand état, c’est qu’elle en est un petit. On peut beaucoup dire contre, les États-Unis, et nous en avons la preuve tous les jours ; mais il est difficile de leur contester une politique constante et ambitieuse, une prépondérance assez envahissante, et dans leurs rapports avec l’étranger, avec l’Angleterre elle-même, ils n’ont pas d’ordinaire l’allure incertaine et décousue qu’on semble attribuer à tout ce qui n’est pas grande monarchie administrative. Pour la Hollande, il est difficile de rayer des fastes de la politique le pays qui, après s’être créé contre la plus puissante monarchie du monde, a menacé l’Angleterre jusque dans la Tamise, et fait reculer, autant