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une société si parfaite était sortie d’un si mauvais gouvernement, sans nier en même temps l’influence et le mérite de l’état. Tantôt, avec plus d’indulgence ou de résignation, on a partagé également l’éloge et la plainte, et l’on a présenté le gouvernement et la nation comme deux hosties immolées pendant des siècles à cette divine unité qui ne devait se révéler tout entière et s’ériger un temple qu’au grand jour de 1789. Ce n’était pas payer trop cher le bonheur de voir luire un tel jour que de le gagner par mille ans de pénitence.

Il n’est pas besoin de remarquer que toutes les solutions analogues de la grande question nationale sont affectées d’une grave conséquence. Si le résultat général de notre histoire est absous parce qu’il est motivé, si le fait s’impose et défie la critique parce qu’il est le fait, ce n’est pas seulement huit ou dix siècles qu’il faut accepter avec la redoutable obligation de les couronner par la révolution française ; c’est cette révolution même avec tout ce qu’elle a consommé, tout ce qu’elle a souffert, tout ce qui l’a suivi ; la nécessité est partout, et comme dans toutes ses phases la précieuse unité s’est maintenue, bien plus comme elle s’est signalée, consolidée, comme la centralisation a plutôt marché de progrès en progrès, tout est justifié, tout est bien. C’est un aveu qu’aucune dialectique n’arracherait, je le sais, à M. Dupont-White, et cependant quand on a, comme lui, dépeint avec tant de complaisance et tant de verve les bienfaits de ce grand règne de Louis XI, il n’en devrait pas tant coûter d’étendre à l’avenir, comme au passé, cette amnistie due à tout protecteur, à tout promoteur de l’unité de la France et de l’état.

Cessons d’argumenter, et reconnaissons, avec ceux qui, pour raisonner autrement que nous, ne sont pas nos adversaires, qu’en prenant les choses en masse, la France a bien fait de sortir du morcellement féodal, et que ce n’est pas un mal en soi, que c’est un bien au contraire, non-seulement pour elle, mais pour le monde, qu’il y ait entre le Rhin et l’Océan une grande nation dont le territoire, la langue, la civilisation, la législation, le gouvernement, l’esprit, aient à un haut degré le caractère de l’unité. Ne contestons pas que souvent d’heureuses circonstances, de nobles efforts, de grands caractères, de beaux génies aient contribué à ce résultat, et que ce résultat à son tour ait contribué à la prospérité, à la puissance, à la gloire de cette nation. En faut-il conclure que cette société ait toujours été bien gouvernée, bien constituée en toute chose, que cette nation, toujours bien inspirée, ait en tout temps donné l’exemple de l’esprit public, qu’en tout temps on puisse juger sa conduite prudente et ferme, ses guides habiles et consciencieux, sa politique excellente, sa législation parfaite, ses institutions admirables, son histoire enfin l’école des rois et des peuples ? Non, assurément. Si l’on me dit