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d’une ruine complète. Le gouvernement et les compagnies étaient donc d’accord pour remettre aux mains de l’état le sort de cette grande industrie ; mais les préoccupations plus pressantes du moment, et peut-être aussi le défaut d’idées nettes chez le législateur qui devait consacrer ce rachat, firent écarter cette solution, et les compagnies purent continuer leur vie languissante jusqu’au jour où la loi de 1852, en donnant une impulsion vigoureuse à la reprise des affaires, aux travaux du commerce et de l’industrie, dota les compagnies d’une nouvelle existence, et leur ouvrit une large voie de prospérité qu’a malheureusement limitée, on a lieu de le craindre, la loi de 1859. Cette idée de l’expropriation des chemins de fer par l’état n’en a pas moins survécu à l’école qui l’avait patronée et aux circonstances qui ont pu en faciliter un moment la réalisation ; elle est demeurée dans beaucoup d’esprits, et, il faut l’avouer, elle est accueillie par une partie nombreuse du public, sinon avec faveur, du moins sans une trop vive répulsion. On ne lui oppose guère que des fins de non-recevoir. Il ne déplaît pas au public de penser, à ses momens perdus, que cette puissance des compagnies, qu’il s’exagère outre mesure, et qui lui porte ombrage, pourrait brusquement disparaître, et qu’il n’aurait plus en face de lui, pour la satisfaction de ses intérêts ou de ses plaisirs, qu’un serviteur toujours empressé et favorable, l’état, qu’on s’imagine devoir tout faire gratuitement. Ce serait une si belle chose que la gratuité des chemins de fer ! Essayons cependant de résoudre les problèmes que soulève cette question du rachat.

Les cahiers des charges annexés à la loi de 1859 s’expriment ainsi : « À toute époque, après l’expiration des quinze premières années de la concession, le gouvernement aura la faculté de racheter la concession entière des chemins de fer[1] ; » mais les partisans du rachat par l’état n’entendent pas se renfermer dans les limites tracées par la loi de 1859. Esprits absolus, ils font bon marché des cahiers des charges, ils demandent un rachat immédiat, ils sollicitent un véritable coup d’état industriel. Espèrent-ils que les embarras que peut causer l’achèvement du nouveau réseau seraient ainsi conjurés ? Quels sont donc les avantages qui pourraient résulter d’une pareille mesure pour le pays, l’industrie ou le trésor ? Aucun

  1. Cette faculté peut s’exercer :
    Pour la ligne du Nord, à dater du 1er janvier 1868
    — d’Orléans, — 1873 ;
    — de Lyon, — 1876 ;
    — de l’Est, — 1871 ;
    — de l’Ouest, — 1874 ;
    — du Midi, — 1877.